À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le sous-marin atomique Nautilus débarque un étrange engin sur les côtes de l’Antarctique. La Grenouillette est un petit véhicule sphérique à deux places inventé par le jeune Montréalais Grain de Sel. Un moteur atomique alimente les chenillettes à pales montées sur les flancs de l’engin. Dans cette expédition, Grain de Sel est accompagné d’un naturaliste de trente-cinq ans « à la science universelle », le professeur Rousseau.
Ils ont pour mission d’obtenir les secrets de Spoutnik 2, le satellite artificiel lancé par les Soviétiques avec la chienne Laïka à bord. À l’insu du public, une nacelle s’est détachée du satellite pour tomber dans l’Antarctique. Grain de Sel et le professeur Rousseau se lancent donc à la recherche du satellite, aidés par son émission d’un signal radio régulier. En chemin, Grain de Sel adopte un manchot, que l’auteur appelle un pingouin.
La Grenouillette croise aussi la route d’une expédition britannique qui tente de traverser pour la première fois le continent antarctique de part en part. L’aventure connaît un rebondissement inattendu lorsque la Grenouillette est amenée à traverser une muraille de vapeur plutôt incongrue au milieu des glaces. De l’autre côté, les deux explorateurs découvrent une enclave où des volcans en éruption font régner une chaleur tropicale. Le professeur suppose que ces volcans nouvellement apparus ont permis à des graines et à des œufs conservés dans la glace depuis des millions d’années d’éclore et de se développer.
C’est dans cette enclave que les deux Canadiens trouvent le Spoutnik 2, prenant de vitesse les Soviétiques venus en hélicoptère. Le professeur Rousseau parvient même à démonter, puis remonter le satellite avant l’arrivée des Soviétiques. Loin de leurs bases, Canadiens et Soviétiques nouent des liens d’amitié prudents au hasard de leurs démêlés avec les bêtes ressuscitées du jurassique. Au moment de se séparer d’eux, Grain de Sel obtient que les Soviétiques épargnent Laïka, qui a survécu à son excursion spatiale. Le retour se passe sans anicroche, mais non sans quelques leçons zoologiques de plus. Et Grain de Sel ramène Laïka à Montréal où elle pourra finir ses jours dans la paix et l’anonymat.
Commentaires
Après les ouvrages de Pierre Daigneault, Guy Bouchard et Jacques Sainte-Marie, ce roman jeunesse méconnu aborde lui aussi le sujet de la conquête spatiale. C’est le plus proche de la réalité, même s’il commence par se fourvoyer dans ses dates en datant le lancement de Spoutnik 2 d’octobre et non de novembre 1957. Spoutnik 2 s’étant consumé dans l’atmosphère en avril 1958, il est possible que l’auteur ait eu l’idée du livre dans l’intervalle, alors que le sort du satellite restait en suspens.
Le gros du roman s’inscrit toutefois dans l’actualité de l’année 1958. L’année géophysique internationale de 1957-1958 s’achevait alors avec la première traversée de l’Antarctique par une équipe britannique sous la direction de Vivian Fuchs, qui apparaît dans les pages du livre. Quant au professeur Rousseau, il pourrait s’inspirer, l’âge à part, du professeur québécois Jacques Rousseau (1905-1970), éminent naturaliste, géographe, ethnologue et nordiste de l’époque. Son personnage dans le roman encourage le capitaine Anderson du Nautilus dans son projet de passage sous la calotte polaire de l’Arctique, ce que le vrai capitaine Anderson réalisa bel et bien plus tard dans l’année.
Somme toute, le roman est plus près de l’histoire secrète que de la science-fiction. Les seuls éléments science-fictifs sont la Grenouillette atomique de Grain de Sel et l’oasis volcanique qui ressuscite la faune du jurassique, donnant lieu à des péripéties familières aux connaisseurs de la littérature d’aventures depuis au moins Le Monde perdu de Conan Doyle. L’idée d’une telle enclave dans le monde polaire a été exploitée par l’auteur russe Vladimir Obroutchev (1863-1956) dans La Terre de Sannikov en 1926 et remonte entre autres au roman de l’auteur canadien James De Mille, A Strange Manuscript Found in a Copper Cylinder (1888). Cependant, pour respecter les observations contemporaines, l’auteur en fait une enclave de formation récente, ce qui n’est pas si mal trouvé.
Ce fut le troisième et dernier roman consacré aux aventures de Grain de Sel par Laurent Boisvert, qui approchait alors de la quarantaine. Il correspond par contre à la première incursion des éditions Paulines dans la publication de science-fiction pour jeunes, huit ans avant les premiers romans de science-fiction de la collection Jeunesse-pop.
Une certaine lassitude de l’auteur transparaît-elle dans cet ouvrage ? Les péripéties sont assez platement racontées et les personnages demeurent falots. L’écriture de Boisvert verse dans le moralisme quand elle ne fait pas dans le didactisme. La langue est généralement correcte, mais sans plus.
Certes, il s’agit d’un roman qui évite de sombrer dans le ridicule des ouvrages pour jeunes d’auteurs comme Guy Bouchard ou Denis Boucher, en partie grâce à son souci de réalisme scientifique. En s’en tenant à des poncifs du genre, Grain de Sel et le Spoutnik 2 ne prend pas de risques et, comme on pouvait s’y attendre, il en résulte une œuvre sans grand relief. [JLT]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 19-21.