À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Rodger Dupois a bien de la chance : il a été choisi par le Grand Pourvoyeur ès Littérature (division Héros) pour devenir le personnage principal d’un texte de l’auteur Mercier. Le Grand Pourvoyeur, divinité parmi d’autres (dont le Grand Inspirateur et le Grand Procréateur), a pour tâche de fournir des listes de héros aux auteurs qui, en retour, devront fournir leurs textes en style descriptif. En effet, la description littéraire sert les divinités : elle permet de lire dans les plus profondes parties des êtres, elle sous-entend que quelqu’un puisse jouer avec les destinées des humains tout en ramenant le concept de divinité à des niveaux plus communs. Malheureusement pour Rodger Dupois, l’auteur Mercier est occupé à baiser et il se débarrasse rapidement de son héros en l’envoyant à la mort.
Commentaires
Voilà donc un texte ironique. Enfin, on l’espère : « Le Grand Pourvoyeur » est d’une lourdeur et d’une ineptie que seul l’humour pourrait – en partie – sauver. L’argument fondé sur le style descriptif amène le lecteur au centre véritable du texte : la réflexion de l’écrivain devant l’objet-fiction. De nombreux auteurs de la modernité se sont déjà penchés sur ce thème – avec plus de bonheur. Mercier (l’auteur et le héros-auteur) semble encore subir le poids de l’idéologie littéraire du XIXe siècle : l’Inspiration, cette chère inspiration, est beaucoup moins malmenée que le style descriptif (autre legs du siècle dernier : notre Mercier est un nostalgique qui s’ignore). Bien entendu, dans un autre ordre d’idées, le chef des dieux s’appelle le Grand Chaos et le personnage féminin, Marie…
Dans cette nouvelle, l’ironie frise le ridicule et agace plutôt qu’amuse. Au lambeau thématique s’ajoute une écriture déficiente. Le dialogue est mal articulé et le style, familier, truffé de clichés usés, alourdit encore un texte déjà pesant. Inutile d’ajouter que le héros ne possède aucune épaisseur psychologique, reniant une fois de plus le discours du Grand Pourvoyeur.
Enfin, on sent une absence de relecture chez l’auteur et un manque d’editing flagrant. Les barbarismes foisonnent : « Je devrait acter comme un Héros » (p. 23), « …les insensitives touches de mon clavier… » (p. 25). Je ne suis pas puriste, mais j’exècre les néologismes non motivés comme « …c'est la fin de ma sanité… » (p. 18).
Bref, un gaspillage de papier. [SB]
- Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 100-101.