À propos de cette édition

Éditeur
Québec/Amérique
Titre et numéro de la collection
Jeunesse - 9
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
128
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Haut-Richelieu. Iberville. C’est le mois de mars. Le directeur de l’école Laflamme, Benoît Sylvain, part en expédition avec le concierge dans la sinistre cave de l’institution, à la recherche d’objets perdus. Il y trouve une petite boîte métallique qu’il ramène avec lui. De la boîte, surgissent trois personnages étranges et loufoques, dotés de certains pouvoirs : le Grand Ténébreux, Spacy Alice et Laffy Fofilet. Le trio provient d’une autre dimension et il a reçu des Sages la mission de ramener une école comprenant 250 élèves et 12 profs, ce qui correspond exactement à l’école Laflamme. Les trois affreux forcent Sylvain à démissionner en leur faveur, puis se rendent à l’institution où ils assujettissent élèves et profs. Avant de dématérialiser l’école puis de la rematérialiser dans leur dimension, ils doivent faire subir à leurs prisonniers trois traitements. Mais le temps presse et tout doit être fini avant seize heures, moment de la fin des cours.

Malheureusement pour eux, deux élèves leur échappent : Ombrelle et Klaxon, nouvellement arrivés à l’école Laflamme. Les deux jeunes voulant savoir ce qui se passe, ils vont interroger le directeur chez lui, mais ce dernier est dans un état proche du délire. Les trois affreux les poursuivent, ce qui retarde l’accomplissement de leur mission. Klaxon est finalement capturé. Pendant que sont appliqués en catastrophe les derniers traitements, Ombrelle trouve la boîte servant de lien entre notre univers et celui du trio. Elle ferme le couvercle et le trio disparaît. On apprend enfin que Klaxon et Ombrelle appartiennent à la même dimension que leurs ennemis, qu’ils ont été mandatés par les Maîtres pour empêcher d’agir le Grand Ténébreux et ses comparses.

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Commentaires

Deuxième roman de Pierre Pigeon publié dans la collection Jeunesse/Romans de Québec/Amérique, Le Grand Ténébreux vient après L’Ordinateur égaré, finaliste en 1985 du Prix du Conseil des Arts en littérature pour jeunes. Malgré sa thématique axée sur la technologie, le contenu SF de ce précédent roman n’avait pas fait l’unanimité. Le Grand Ténébreux est un peu plus résolument science-fictionnesque, encore que l’appartenance des trois affreux et des deux héros à une autre dimension ne soit peut-être qu’un prétexte. De toute façon, Pierre Pigeon ne prétend écrire ni de la SF ni du Fantastique.

Malgré ses ingrédients SF donc (autre dimension, pouvoirs étranges, dématérialisation et rematérialisation), ce roman relèverait davantage du merveilleux ou de la fantaisie (fantaisie dans son acception générale). La dimension des Maîtres et des Sages, d’où viennent les protagonistes, n’est pas suffisamment décrite pour qu’on y croie. Elle évoque bien plus les pays magiques des contes de fées que les autres plans spatio-temporels auxquels sont habitués lecteurs et lectrices de la hard SF. Les cinq visiteurs de cette dimension, bons ou mauvais, rappellent d’ailleurs inévitablement les bons et les mauvais génies de notre enfance. L’allure vaguement satanique du Grand Ténébreux, les pirouettes de Spacy Alice et la magie de Laffy Fofilet, tout cela ressemble à une version modernisée des personnages de contes traditionnels. Il en est de même pour les objets et la technologie utilisée : la boîte servant de tunnel entre les deux dimensions, la baguette magique de Fofilet, les parfums servant à préparer physiquement les otages avant leur transport dans l’autre monde.

En outre, le trio des méchants (les trois affreux comme les appellent le narrateur et les héros) m’a fait songer dès son apparition à ces délicieux vilains des comic books américains. Je pense en particulier aux hurluberlus que combattaient Batman et Robin : les Sphinx, Pingouin et compagnie. Comme ceux-ci, les méchants de Pigeon portent des vêtements et des maquillages excentriques comme s’ils sortaient d’un bal costumé, lancent des cris hystériques et n’ont pas l’air dangereux du tout au premier abord. Ce sont des guignols et, comme les pantins justement, Pigeon les a fait jaillir d’une boîte. Les trois affreux sont d’ailleurs des personnages très intéressants et bien typés, les mieux réussis du roman en fait. La secrétaire Louise Lemaire, le directeur Benoît Sylvain et le concierge Landry sont crédibles. Malheureusement, les personnages les plus ternes sont les deux héros, Ombrelle et Klaxon. Dès l’arrivée du trio, on devine par comparaison que les deux jeunes ont un rapport avec lui d’une façon ou d’une autre. Ils sont mystérieux déjà dans la première description que l’auteur fait d’eux. Toutefois, ils interviennent très tard au cours du roman (p. 59), comme si Pigeon n’avait pas très bien su comment les introduire parmi cette pléiade de personnages. À la fin du récit, la mission d’Ombrelle et Klaxon n’est pas achevée, puisque le Grand Ténébreux et ses collègues n’ont pas été complètement vaincus. Or, je me demande bien pourquoi l’auteur les envoie à l’hôpital sous prétexte de leur donner du repos ! Pour dissiper les mystères qui restent, l’auteur choisit de donner lui-même les explications, ce qui me paraît une manière malhabile et peu imaginative de procéder. La fin du roman est complètement ouverte, comme si une suite se préparait.

Pierre Pigeon utilise dans son roman une écriture très simple, sans la moindre fioriture. Résultat : le livre se lit à toute vitesse. Quelques dialogues obligent cependant à poser une question de fond. En littérature québécoise pour jeunes, le courant actuel vise une simplification maximale du vocabulaire et de la syntaxe, pour que ceux-ci se rapprochent de la langue orale et que la lecture s’en trouve facilitée. Mais jusqu’où doit-on aller pour atteindre ces deux objectifs ? Personnellement, j’avoue que des répliques comme « Sacrifice ! », « Que c'est ça ? »  (p. 36) me font grincer des dents lorsque je les lis dans une œuvre destinée à des jeunes en pleine formation.

Quant à l’intrigue, elle est divertissante, sans prétention et de qualité moyenne. Après un début rempli de mystère et de suspense, la seconde moitié du récit contient peu d’événements originaux et trop d’allers-retours inutiles de la part des personnages. L’auteur semble avoir manqué d’imagination pour exploiter à fond la belle situation qu’il avait créée.

Plusieurs jeunes lecteur(trice)s éprouveront du plaisir en lisant Le Grand Ténébreux, particulièrement les élèves de l’école Laflamme d’Iberville pour qui ce roman est un merveilleux cadeau. [DC]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 112-114.

Références

  • Anonyme, Protégez-vous, Jouets 87, p. 41.
  • Lacoste, Francine, Lurelu, vol. 10, n˚ 1, p. 13.
  • Laprés, Raymond, Nos Livres, octobre 1986, p. 26-27.
  • Lortie, Alain, Solaris 71, p. 38.