À propos de cette édition

Éditeur
C't'un fait, Jim !
Genre
Fantasy
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Épitaphe 1
Pagination
14-22
Lieu
Saint-Lambert
Année de parution
1996
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Chassé d’Aquilonie, Conan est devenu le chef d’un petit clan de nomades. Ses nombreux enfants sont arrivés à l’âge de se disputer son héritage par une série de combats singuliers. Car selon la loi prononcée par Conan, « il ne peut y en avoir qu’un ». Conan assiste en juge à l’un de ces combats ; contre toute attente, c’est son fils Karan, plus petit et plus faible que son adversaire, qui triomphe. En effet, lorsque Conan a jeté sa merveilleuse épée dans l’arène, Karan l’a dédaignée, au contraire de son frère aîné, obnubilé par l’arme mythique, qui s’est laissé vulnérable en tentant de récupérer l’arme paternelle.

Conan emmène Karan pour un long séjour dans le désert. Karan en revient convaincu que son père est trop vieux pour rester chef. Il tient conseil avec ses treize frères et sœurs : on se met d’accord pour défier collectivement le vieux chef. Selon la tradition, cela se fait en lui demandant la réponse à l’énigme de l’acier. Au matin, alors que tous l’attendent dans l’arène, Conan ne se montre pas. On le trouve dans sa tente, assis, son épée sur les genoux, et déjà froid. Que fera-t-on de son épée ? Karan n’a cure de l’énigme de l’acier. Les quatorze enfants de Conan abandonnent la lame magique et s’en vont reprendre leur héritage dans la lointaine Aquilonie.

Commentaires

Eh oui, Éric Bourguignon unifie ici les univers de Conan et de Highlander. C’est culotté (tout de même pas autant que ce que fait Thierry Vincent dans le dernier texte du numéro) mais est-ce réussi ? Était-ce seulement possible de réussir une telle fusion ?

Déjà que le Cimmérien est devenu plutôt méconnaissable. Les ravages du temps ont à peine altéré son corps ; c’est son esprit qui a souffert. Conan me paraît franchement dépressif. Lui qui fut roi, comment croire qu’il soit réduit à diriger un si petit clan, et qu’il ait perdu toute ambition ? On ne sait trop quelles avanies il a endurées durant son long exil ; et la narration, maladroite, nous déclare qu’il est le père de presque tous les membres du clan. Si c’était vraiment le cas, on devrait conclure qu’il couche déjà avec ses propres filles.

Trop de détails de ce genre manquent au texte pour qu’on s’y retrouve. L’épée de Conan que ses descendants se disputent (si j’ai bien compris, parce que la raison ultime de ces combats à mort reste obscure : le privilège ultime du vainqueur serait-il de perpétrer un parricide le moment venu ?) est-elle vraiment magique ? Une telle arme ne figure pas dans la légende de Conan à ce que je sache, pas plus que Connor MacLeod n’avait besoin d’une lame spéciale pour décapiter les autres Immortels. Pourquoi Conan regrette-t-il tellement que ses descendants doivent se battre entre eux, alors que c’est sa loi à lui ? Depuis quand le chef d’un petit clan de nomades est-il incapable de changer les lois qu’il a lui-même imposées il y a à peine vingt ans ? Qui oserait lui tenir tête s’il décidait d’arrêter le massacre de ses enfants ?

Ces regrets donnent quand même lieu au meilleur passage du texte, quand Conan réfléchit amèrement sur le fardeau que constitue son héritage : peu importe leurs talents individuels, ses enfants seront toujours les fils et filles de Conan, et on voudra faire d’eux des guerriers et des héros. Cette réflexion très bien rendue est hélas ! sans conséquence, comme si l’auteur était incapable de résister aux pressions de ses sources. Les enfants de Conan finissent par décider de reprendre leur héritage en Aquilonie ; ils laissent derrière l’épée mythique et quittent donc l’univers de Highlander, mais ils choisissent délibérément un destin de guerriers. L’éclair de sagesse dont a bénéficié leur père ne les touchera jamais.

Ce texte a le mérite de l’originalité et présente une critique très pertinente du poids de l’héritage héroïque. Toutefois, son auteur semble avoir manqué d’audace : il ne va pas au bout de ses idées, posant par fausse pudeur un voile de mystère sur divers aspects de l’histoire. La spéculation se devait d’être plus achevée pour me satisfaire. [YM]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 48-49.