À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Éric est un adolescent qui déteste sa vie engluée dans un quotidien morne, entre un père sénile et une mère alcoolique. Une nuit, il trouve sur la grève du fleuve Saint-Laurent un hexaèdre entouré d’un halo bleu argenté et, revenu à la maison, le dépose sur sa table de chevet. Le lendemain matin, il se réveille dans une autre dimension. Le mage Menthar l’informe qu’il est au royaume de Thonhïr et que le roi compte sur lui pour une importante mission : ramener sa fille Sonha qui a été enlevée par Norraus, le Démon pestilentiel de Thermor.
Muni d’une carte et d’une épée magique, Twinmaryl, monté sur une licorne, Éric entreprend la traversée d’Arquirrion. La première étape le conduit au royaume de la reine Helehana qui consent à lui fournir une escorte de quinze soldats car Sonha est la fille d’une Néréïade tout comme la reine. Avec ses compagnons, Éric affronte divers dangers et résout quelques énigmes qui lui permettent de poursuivre sa mission. En cours de route, il fait face à une énorme tempête de sable dans le désert de Suca, réussit à se sortir d’un labyrinthe, combat une meute de zurruguels avant de terrasser Norraus qui s’apprêtait à traverser une porte temporelle pour lui échapper.
Après avoir ramené la princesse à son père, Éric doit réintégrer son monde non sans que la fée Joséphine ait réalisé un de ses vœux : vivre dans une ambiance familiale chaleureuse.
Commentaires
L’Hexaèdre de Steve Fortier utilise les codes les plus éculés de la fantasy : un héros adolescent, une quête qui pousse celui-ci à se dépasser, une licorne, des créatures féroces (les zurruguels), une panoplie d’accessoires magiques dont certains ne sont même pas utilisés, comme Dwainkïr, un bouclier sombre (pourquoi sombre ?) et dix flèches « qui ne manquent jamais leur cible ». Or Éric confie à un des soldats qui l’accompagnent le soin de viser une cible car Tesil excelle au tir. C’est un exemple parmi tant d’autres des incohérences internes du récit. À cela s’ajoute un grand nombre d’invraisemblances.
On a l’impression que d’une séance d’écriture à une autre, Steve Fortier ne relit pas ce qu’il a écrit la fois précédente. Il n’a aucune vision d’ensemble de son récit, s’en remettant à la carte géographique qui se trouve au début du roman pour baliser le périple de son héros. Une carte ne remplace pas un plan de travail. C’est à l’image de la préparation bâclée du héros qui se voit confier une mission sans que le mage Menthar (tout un mentor !) ne l’instruise sur les régions qu’il devra traverser, ce qui n’empêche pas Éric de fournir des explications à ses compagnons comme s’il avait une connaissance fine du pays dans lequel il se retrouve.
Incapable de construire un récit, Fortier s’égare dans des formules approximatives, sources de confusion des péripéties qui se succèdent. Il ne va jamais au bout des situations périlleuses qu’il met en place, celles-ci se réglant en un coup de cuillère magique. Les épisodes d’évasion, notamment, sont ridicules.
De plus, très souvent, on ne comprend pas le comportement d’Éric qui prend des décisions totalement arbitraires. Cela découle de l’absence de psychologie élémentaire chez le protagoniste. Tout ce qu’on sait des motivations d’Éric, c’est qu’il veut gagner l’estime de soi et retrouver sa confiance en jouant les héros. Objectif louable que concrétise le dénouement heureux de sa mission sur Arquirrion, planète dont on ne sait absolument rien. Toutefois, il y a tellement d’accessoires magiques qui lui sont fournis dans sa quête que le courage et l’héroïsme d’Éric s’en trouvent grandement amoindris.
Un bon point, cependant : il y a peu de batailles – heureusement, car elles sont très mal décrites – et le héros recourt davantage à son intuition et à son intelligence qu’à la violence qui lui répugne pour se sortir d’impasse.
Si l’écriture de Steve Fortier est maladroite et sans grâce, le vocabulaire n’est pas en cause, celui-ci étant relativement étendu et les mots utilisés à bon escient. J’ai même découvert avec étonnement le mot « brésiller » à la forme pronominale, tout à fait appropriée dans le contexte où il est employé. Le problème est plus profond ; il relève de l’organisation de la matière romanesque.
Le gamin avait seize ans au moment de la publication de son roman. On peut excuser en bonne partie son ratage par son inexpérience. C’est l’éditeur qui est inexcusable d’avoir publié un tel avorton de roman et de tenter, en quatrième de couverture, de nous vendre l’« originalité exceptionnelle », l’« imagination débordante » et le « magnifique récit d’aventures » de Steve Fortier. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 85-86.