À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Fanfan Ladébauche trappait en ce temps-là dans la région de Sept-Îles alors que Lanouet chassait sur le territoire de Mingan. Les deux amis se visitaient deux ou trois fois par hiver. Un soir qu’il revenait de Mingan, Ladébauche avait été arrêté par un homme bien mis qui lui était apparu pour lui annoncer que son ami était en danger. Arrivé au camp de Lanouet, il avait aperçu une lueur blanche au-dessus de la chaumière. À l’intérieur, il avait surpris le diable au pied du lit de son ami qui venait de mourir. Quelque temps après, le neveu de Lanouet, à qui il avait remis les fourrures et l’argent du défunt par l’entremise du père Duchesneau arrivé sur ces entrefaites, était venu rendre visite à Ladébauche pour le remercier. Ayant continué sa route, il n’avait trouvé, arrivé à l’emplacement du camp de son oncle, que des ruines fumantes. Le diable avait pris sa revanche.
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Selon Édouard-Zotique Massicotte, Pierre-J.-O. Chauveau est « le seul écrivain canadien qui ait osé mettre en vers nos contes populaires ». Il y a pourtant eu Louis Fréchette, de même que Paul Stevens et Joseph-Charles Taché. « L’Histoire de Lanouet » est donc un conte fantastique qui prend la forme d’un long poème composé de 301 alexandrins dont les rimes sont plates ou embrassées la plupart du temps.
Malgré le rythme de l’alexandrin et l’assonance des rimes, on n’a pas vraiment l’impression de lire de la poésie en parcourant ce texte. Chauveau semble trop pris par l’anecdote pour songer un seul instant à faire de la poésie. Il se plie aux contraintes formelles comme s’il voulait s’imposer une discipline supplémentaire et relever une gageure mais le génie poétique ne naît pas de cet effort. Les inversions sont peu nombreuses, tout comme les images poétiques.
Même si la forme rappelle l’héritage français du XVIIe siècle, on y chercherait en vain la trace des grands sentiments amoureux qui galvanisent les tragédies classiques. Le tragique, par contre, y est présent avec la mort de Lanouet. Chauveau a cherché à assimiler dans son œuvre l’essence de la tragédie classique : l’homme aux prises avec des forces qui le dépassent, l’homme victime des querelles qui opposent les dieux. Ainsi, Lanouet paraît être l’enjeu d’une guerre de pouvoir entre la Vierge Marie et Satan dans un décor grandiose.
D’où vient alors ce sentiment de ne pas être remué par le drame qui nous est raconté ? Le conte en vers de Chauveau sent trop le message édifiant et le prosélytisme religieux. C’est d’ailleurs sa seule raison d’être alors que Racine, dont les pièces Athalie et Esther s’inspirent de sujets bibliques, n’exprime pas que ses convictions religieuses mais étudie aussi l’âme humaine et les arcanes du pouvoir.
Mais il faut savoir faire la part des choses. Racine avait la chance de travailler sur des sujets qui font figure de mythes tandis que Chauveau a choisi le récit populaire teinté d’un surnaturel bon enfant et naïf. Cette différence d’ambition, si elle n’excuse pas le côté propagandiste du conte de Chauveau, explique en tout cas l’écart des résultats. [CJ]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 55-56.