À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Golinda est sage-femme et elle habite dans le petit village de Kel. Par un soir glacial, elle se rend chez un pêcheur dont l’épouse va accoucher. L’enfant naît. C’est une fille et il lui manque un bras. Désappointé, le couple veut se débarrasser du bébé en le noyant dans la mer. La sage-femme intervient et offre de s’occuper de l’enfant. Le bébé s’appellera Rohale. La petite grandira entourée de livres et nourrie des récits passionnants racontés par la vieille femme. Isolée par son handicap, l’enfant développe son imagination, ce qui l’amène à peupler sa solitude d’histoires inventées. Lorsque Golinda meurt, Rohale choisit la vie vagabonde des dyrs, conteurs se promenant de cités en cités.
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Annick Perrot-Bishop présente ici le prologue d’un roman à venir ayant pour titre Histoires d’Aya. À sa lecture, on devine aisément que le roman en question sera une suite de récits narrés par Rohale, la dyr de Kel. Le prologue sert donc à présenter la future narratrice et annonce les lieux et atmosphères qui serviront de toile de fond aux histoires de la conteuse. Le lecteur fait ainsi connaissance avec un monde où l’hiver est froid et dur. Il comprend aussi que les règles sociales qui gouvernent les citoyens sont rigides et que la pauvreté semble omniprésente. Seul espoir dans cet univers sombre : l’imaginaire et son pouvoir libérateur.
Le lecteur pensera tout de suite à certains romans de fantasy, surtout à cause de la structure médiévale qui semble gouverner les cités. Par contre, la magie ne joue pas un rôle très important à cette étape du récit. Un seul moment, le lecteur est mis en présence d’un fait surnaturel. Il s’agit de la scène où Golinda, la sage-femme, s’approprie la douleur de sa patiente. Plus important, ce prologue se veut un « conte racontant la conteuse », premier récit d’où jailliront tous les autres.
J’imagine que beaucoup d’auteurs vont se reconnaître dans cette « dyr de Kel ». L’enfance solitaire, la blessure narcissique (ici symbolisée par l’infirmité de Rohale), la fuite dans l’imaginaire et la rencontre d’une figure tutélaire qui servira de déclencheur à la vocation de la conteuse. Annick Perrot-Bishop décrit avec sensibilité et poésie cette naissance ainsi que les ambivalences psychologiques qui en découlent. Rohale écrit avant tout pour guérir sa folie, pour survivre au « rejet primordial », à « la blessure ancienne ». Si les gens viennent la voir, « avides de pénétrer dans le monde intime d’une âme-miroir », c’est que sa sensibilité est différente, son regard tourné vers l’intérieur. Mais ce pouvoir a un prix : la souffrance, la solitude.
Il y a bien sûr un certain romantisme dans cette mise en scène. On y retrouve, mais sans complaisance, le mythe de l’artiste en tant qu’être souffrant. Sans complaisance car il y aura d’autres récits basés sur d’autres vies, d’autres personnages, le conteur servant de simple relais à l’histoire. Il y a aussi les mots qu’Annick Perrot-Bishop manie avec habileté et qui vont toujours à l’essentiel.
Début prometteur, cette trop brève incursion dans le monde de Rohale ne peut que faire regretter au lecteur l’absence des chapitres suivants. [ML]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 156-157.