À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Veuf et retraité, Louis-Joseph-Alphonse passe ses journées à faire de longues promenades à pied. Quand le froid arrive, il déambule bien au chaud en empruntant le réseau de couloirs de la ville souterraine. Mais cet hiver-ci ne semble plus vouloir se terminer. L.-J.-A. remonte à la surface et découvre un paysage de désolation.
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Certains auteurs du milieu de la SFFQ se sont offusqués du choix d’André Berthiaume pour le Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois en 1985 parce que l’écrivain ne prétendait pas écrire de la SF ou du fantastique. Que nous importent ses intentions ? C’est le texte qu’on juge.
Au premier degré, la nouvelle de Berthiaume pose un regard attendri et sympathique sur la vieillesse. L’auteur ne cherche pas à attirer la pitié mais il met discrètement en évidence le problème de la solitude auquel doivent faire face les personnes du troisième âge.
On reconnaît dans « L’Hiver en dessous » la manière d’André Berthiaume : la justesse des détails, une narration simple, un attachement pour ses personnages et une façon de suggérer plutôt que de démontrer.
Et pourtant, il n’y a pas de doute possible : en filigrane d’une chronique succincte de la vie tranquille d’un retraité se dessine peu à peu une société aux prises avec l’hiver nucléaire. On ne saurait imaginer un traitement plus anti-spectaculaire du thème de la menace nucléaire. Le personnage principal ne se rend pas compte de la mutation du monde dans lequel il vit parce que le changement se fait graduellement.
Berthiaume propose ici une conception de la catastrophe nucléaire ou écologique qui rompt avec les clichés véhiculés par une certaine SF alarmiste présentant un monde nouveau, primitif, en rupture totale avec l’ancien. Rien de tel dans « L’Hiver en dessous » qui dédramatise l’événement en le situant dans une continuité rassurante. Le danger qui guette notre société n’est cependant pas moins grave et présent. Berthiaume nous met en garde contre la banalisation de l’horreur et contre le caractère insidieux du mal qui menace l’humanité. Il conclut implicitement que les sociétés évoluent non par à-coups mais de façon imperceptible et régulière par suite d’une accumulation de petits faits quotidiens, de décisions locales et de démissions personnelles.
L’importance du quotidien est à la base de l’œuvre d’André Berthiaume. S’il n’engageait dans les nouvelles d’Incidents de frontière que le destin personnel du personnage principal, ce quotidien a des répercussions plus vastes ici et prend une dimension collective puisqu’il imprime à la société le sens de son évolution.
La simplicité est la plus grande qualité de ce nouvelliste que j’ai toujours plaisir à lire. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 35-36.