À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Chaque matin, elle lui sert un café noir au restaurant où elle travaille. Lui, c’est l’homme du fjord que, dans la même journée, de façon récurrente, des témoins disent avoir vu marcher sur le Saguenay gelé, qui à Cap-à-l’Ouest, qui à Sainte-Rose ou Tableau, qui à Tadoussac. Elle, c’est la grande fille sauvage. Un jour, elle quitte tout et met ses pas dans les siens…
Commentaires
Ce texte d’Yvon Paré est une célébration de la nature sauvage, du mythe de l’être humain non corrompu par les compromissions inévitables de la vie en société. Les personnages représentent des archétypes, ils sont plus grands que nature et dépassent les catégories masculin/féminin. Ils sont indissociables, autant que le sont le jour et la nuit.
La répétition des mêmes mots, des mêmes bouts de phrase crée un effet d’envoûtement et installe l’atmosphère de légende qui baigne ce texte poétique. La prose de Paré rappelle celle de Pierre Chatillon en raison de la propension, chez ce dernier, d’associer ses personnages à des éléments de la nature. Toutefois, l’écriture de Paré, qui évoque amoureusement le territoire saguenéen, de Chicoutimi à Tadoussac, est plus nuancée et moins fleur bleue.
L’écrivain démontre sa maîtrise de la langue en utilisant judicieusement trois temps de verbe dans sa nouvelle. Au début, l’imparfait établit une intemporalité qui confère au texte un climat de légende. Puis le passé simple renvoie à un passé plus récent, circonscrit dans le temps. À la fin, le présent, temps immuable, vient renforcer le caractère mythique de la présence immatérielle de l’homme du fjord et de la grande fille sauvage.
Le fantastique de cette nouvelle est ténu, je dirais presque « ontologique » : il tient au fait que ces deux êtres transcendent les limites physiques de l’être humain pour fusionner avec la nature. Yvon Paré maintient un bel équilibre entre l’aspect concret de l’homme (amateur de café très noir, forte carrure) et ses capacités physiques qui dépassent l’entendement. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 148.