À propos de cette édition

Éditeur
La pleine lune
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
134
Lieu
Lachine
Année de parution
1999
ISBN
9782890241343
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Un jeune technicien invente une machine baptisée Verity qui détecte infailliblement les mensonges énoncés de vive voix. Verity remporte d’abord un immense succès, obligeant politiciens et prêcheurs de toute espèce à se tenir coi ou loin des microphones. Devenu riche, l’inventeur voit s’éloigner de lui l’hôtesse de l’air qu’il avait séduite, la jolie Claudine. Abattu, il ne réagit pas lorsqu’on commercialise une pilule baptisée Luv, qui déjoue Verity et qui inspire le slogan « All you need is Luv ». De retour dans sa contrée d’origine, le protagoniste se fait peser et le médecin constate qu’il est plus lourd nu qu’habillé. Incontestable, le fait reste pourtant inexplicable, même pour la célèbre neurologue Olive Sacks. Le héros sollicite l’opinion de Zidowsky, à la clinique même où réside Sacks, et il apprend à la sortie d’une conversation bouleversante que Zidowsky est en fait un patient autiste.

Une rencontre de hasard dans une auberge fournit au protagoniste de la compagnie pour la nuit. Luce s’éprend malgré elle de cet homme que taraude encore le souvenir de Claudine. Généreuse, Luce l’invite à partir rejoindre sa Claudine sans plus tarder. Mais l’homme qui pesait plus lourd nu qu’habillé perd le contrôle de sa voiture sur la route en lacets et emboutit un muret. Luce le rejoint dans la mort. La neurologue Olive Sacks arrivera à temps pour constater l’accident et la mort de l’inventeur ; à la morgue, elle observera que le défunt pèse plus lourd mort que vivant.

Commentaires

Un simple résumé ne saurait rendre justice à l’art de l’auteur, qui mêle habilement narration à la deuxième personne du pluriel, retours en arrière, petits morceaux de bravoure stylistique et scènes frappantes. La langue de l’auteur, surtout, brille par sa poésie, son sens de la concision, voire de l’ellipse, et son intelligence. Non sans un brin d’irrévérence à l’occasion, Jérôme Élie prend pour sujet l’apparence des choses et les brèches qui s’ouvrent parfois dans l’enceinte si bien close du monde rationnel.

Dans le contexte du genre qui nous intéresse, il serait tentant d’y voir un roman dickien de par son questionnement de la réalité, mais un roman dickien auquel manque le courage de véritablement faire le saut dans l’imaginaire. Le poids supérieur du protagoniste lorsqu’il est nu n’est pas la clé d’un monde délirant, mais le signe que le nôtre peut bégayer, rien de plus.

Constituée de quelques incidents cocasses, des jeux d’un triangle amoureux et d’un accident stupide, l’histoire en soi est pauvre, mais la maestria stylistique de l’auteur maquille cette pauvreté. L’expression d’un doute inexpugnable quant à l’existence de ce que nous prenons pour acquis – la réalité, la rationalité, l’individualité – reste le principal intérêt du livre.

En effet, il n’y a pas grand-chose à en retirer sur le plan de la science-fiction. La description des conséquences de Verity sur le monde aurait pu être fascinante. À quoi ressemblerait un monde dominé par ceux qui croient sincèrement à tout ce qu’ils racontent ? Ou bien, au contraire, à quoi ressemblerait un monde qui aurait accepté de se faire raconter des mensonges en connaissance de cause ? Cependant, l’auteur s’en tient à des lieux communs et à un simplisme réducteur : tout le monde ment, même le pape. Très vite, d’ailleurs, l’invention de la pilule Luv rétablit la situation antérieure.

On imagine aussi aisément ce qu’un Stanislas Lem aurait tiré d’un fait aussi incongru que la surcharge pondérale du protagoniste nu : analyses sophistiquées, théories alambiquées, expériences loufoques, satire de scientifiques… Mais c’est un fait que Solaris est déjà passé par là.

Le propos du roman est ailleurs. L’auteur confirme une fois de plus l’affinité de la science-fiction pour les idées de nature philosophique, au détriment ici de l’intrigue, réduite à une série de rebondissements sans lien logique, peut-être pour illustrer la thèse du roman – ou peut-être pas.

L’auteur montre en tout cas qu’il appartient à une certaine génération, comme on le voit lorsque son héros utilise les déclarations enregistrées du président Nixon pour tester Verity, parce que le crime de Nixon « était bien attesté, assez récent, encore imprimé dans les mémoires » (p. 37). Le livre est sans doute sorti trop tôt pour se servir du cas Clinton, mais Reagan aurait quand même été plus « récent » pour les nombreux lecteurs d’aujourd’hui encore au berceau lors de l’affaire Watergate.

Difficile, en fin de compte, de ne pas juger L’Homme qui pesait plus lourd nu qu’habillé comme un livre où l’auteur n’a pas su marier son idée à une forme romanesque adéquate. La minceur d’une intrigue brouillée, voire brouillonne, permet tout juste à Élie d’en faire l’exposé, mais il manque l’argument porté par un élan romanesque qui aurait pu donner un ouvrage plus conséquent. [JLT]

  • Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 69-71.

Références

  • Anonyme, Le Libraire 4, p. 38.
  • Boivin, Pierrette, Nuit blanche 79, p. 26.
  • Chartrand, Robert, Le Devoir, 09/10-10-1999, p. D 3.
  • Martel, Réginald, La Presse, 03-10-1999, p. B5.
  • Tessier, Dominique, Lettres québécoises 97, p. 29.