À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Année 2227. Sur la Terre, la science a cédé la place à l’anti-science et la SF à l’ASF. Dans ce monde où l’ignorance est reine, la foi soulève les montagnes et fait voler les astronefs. Tout va donc très bien… jusqu’au jour où il pleut des astronefs en Sibérie. En effet, des appareils minuscules et tous identiques se mettent à tomber en URSS, puis d’autres modèles chutent ailleurs dans le monde. Russes et Américains s’espionnent à qui mieux mieux, formulant des hypothèses loufoques sur la nature des mini-astronefs. Un pilote liliputien, trouvé dans l’un des objets, affirme que son appareil avait été attiré par la fantasmatique planète Binga. Vraisemblablement, cette planète aurait le pouvoir de multiplier en les réduisant tous les objets qui s’approchent d’elle. Les mini-astronefs seraient donc les reproductions en modèles réduits d’appareils conventionnels. Jusqu’à quand durera cette saison des pluies nouveau genre ?
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Peu d’auteurs québécois de SF ou de fantastique ont été publiés dans des revues françaises. L’année dernière, Jean-Pierre April nous faisait le coup d’apparaître dans la vitrine d’Univers, la prestigieuse revue annuelle dirigée par Joëlle Wintrebert. April faisait alors connaître aux Français un de ses premiers textes : « La Machine à explorer la fiction ». Et voilà que l’écrivain québécois récidive, cette fois avec un inédit ! La direction d’Univers 86 est assumée par Pierre K. Rey, et Jean-Pierre April côtoie les Varley, Lafferty, Ballard.
« Il pleut des astronefs » est une farce désopilante dans laquelle l’iconoclaste de la SFQ s’en donne à cœur joie. Délaissant quelques-uns de ses thèmes favoris et donnant à sa caméra un champ international, April se moque des pouvoirs politiques, militaires et idéologiques. Qu’ils soient américains ou soviétiques, ses officiers font partie de la même grande famille des imbéciles. Chez les deux Grands, la phobie de la désinformation atteint le stade de la comédie : (p. 131). Amerloques et Russkoffs se lancent joyeusement des lieux communs, ce qui est tout de même plus drôle et moins dangereux que des missiles nucléaires !
La bêtise des politiciens et des élites intellectuelles est soulignée à grands traits. À l’ère sacro-spatiale, la science est dépassée, c’est maintenant l’ignorance qui mène. Voyons là peut-être une allusion aux politiciens américains nouvelle vague qui ne suivent qu’une mode, celle de la connerie. Aujourd’hui, certains se battent pour qu’on enseigne aux enfants qu’Adam et Eve, c’était vrai. Dans la nouvelle d’April, la foi sert littéralement de carburant aux fusées spatiales. Et au début du texte, devant tous ces petits astronefs qui tombent du ciel, une hypothèse s’impose d’abord : (p. 130).
Quant à Binga (équivalent féminin de Bingo, sans doute), cette planète qui reproduit un objet de taille normale en milliers d’exemplaires de dimensions réduites, ne s’agit-il pas d’une entité bien adaptée à notre époque de surproduction ? Lorsque les astronefs se mettent à pleuvoir, menaçant de transformer la Terre en gigantesque dépotoir, c’est un peu comme si nos produits de consommation nous retombaient sur le nez.
Vraiment une nouvelle tout à fait réussie, achevée. Une farce attend pas l’autre. Mais au fond, comme dirait c’te gars, c’est pas parce qu’on rit que c’est drôle. [DC]
- Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 19-20.