À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Laurent Hébert, alias Nevada, est un auteur à succès qui pratique le roman d’espionnage. Un jour, l’écrivain, un être pédant et peu sympathique, est confronté à un mystère : le manuscrit sur lequel il travaillait a disparu de son ordinateur et a été remplacé par un autre dont il ignore l’origine ou l’auteur. L’histoire qu’il découvre se déroule dans le futur, entre les étés 1999 et 2000. Elle met en vedette une famille d’artistes bohèmes, les Belhumeur : Carl, Carmen et leur fils David. Comme tous les adolescents, David se cherche et est mal dans sa peau. Il aimerait faire une rencontre amoureuse mais il trouve sa taille ridiculement petite.
Le récit débute avec Carl qui peint une œuvre pour D.I.E.U., une compagnie dirigée par quatre concepteurs « ambitieux et voraces ». D.I.E.U. a obtenu un contrat pour construire la cité idéale. Afin de mousser le projet, les concepteurs ont engagé une jeune femme, Destinée Larue. Elle a la peau noire et les yeux verts. Sa personnalité authentique doit servir de symbole à la ville future. Ce qu’ils ignorent, c’est que Destinée Larue possède des pouvoirs télépathiques et la capacité de se métamorphoser en chat. Des liens mentaux et furtifs vont se créer entre elle et le jeune David Belhumeur sans que ce dernier en connaisse vraiment la source.
Mais D.I.E.U. finit par trouver la personnalité de Destinée Larue trop incontrôlable. La compagnie décide alors de faire un coup médiatique. Les concepteurs, à partir de l’image de la jeune femme, créent un personnage virtuel plus grand que nature qu’ils présentent comme une extraterrestre débarquée dans la cité idéale. Cela fonctionne et les consommateurs sont emballés par cette visite impromptue.
Destinée Larue réussit à s’échapper de la surveillance de D.I.E.U. Sous la forme d’un chat, elle va se cacher chez les Belhumeur. David est troublé par la présence de l’animal sans saisir pourquoi. D.I.E.U. retrouve la trace de Destinée et celle-ci doit fuir à nouveau. David la rejoint dans un cimetière où ils font l’amour.
Destinée disparaît de la vie de David et les Belhumeur déménagent. Faisant le bilan de sa rencontre avec Destinée, l’adolescent se sent mieux armé pour affronter la vie. Quant à Laurent Hébert, alias Nevada, l’auteur à succès, il a retrouvé son texte. Selon lui, un virus informatique serait la cause de cet épisode qui n’a aucunement ébranlé sa prodigieuse confiance en soi.
Commentaires
Écrit en 1993, L’Incroyable Destinée se veut un joyeux pied de nez à l’exploitation commerciale liée à l’arrivée de l’an 2000. Favorisant une approche humoristique, Marie Décary badine beaucoup dans cette histoire qui traque le ridicule des adultes et la profonde vanité de certains individus (Laurent Hébert et les quatre concepteurs de D.I.E.U.). Malgré tout son humour, L’Incroyable Destinée reste un roman jeunesse et répond à certaines contraintes « pédagogiques » (passage de l’adolescence à la vie adulte, éveil de la sexualité) qui diluent sérieusement son message anti-société de consommation. Ce qui n’aide pas, les états d’âme de David Belhumeur, jeune adolescent en quête d’une rencontre amoureuse, semblent plaqués sur une histoire qui se cherche désespérément une ligne directrice. Le début du roman en est sans doute le meilleur exemple. Le narrateur nous annonce un grand « mystère » : la disparition de son manuscrit. Mais cette intrigue ne débouchera finalement que sur une révélation banale (un virus informatique) sans que le mystère ne soit vraiment résolu. De la même manière, le personnage de Destinée Larue reste flou et il disparaîtra du roman sans que le lecteur comprenne le but de sa présence ou la nature de ses actions.
On peut s’étonner aussi de la manière dont les problèmes sentimentaux de David sont réglés. Sa rencontre avec Destinée se limite à l’actualisation de certains fantasmes : la beauté de la jeune femme, le coup de foudre entre elle et l’adolescent et le départ bien pratique de l’amoureuse, la chose une fois consommée. Si la souffrance de David reste palpable, il est difficile pour le lecteur d’imaginer que le passage à l’âge adulte se limite à demander : « Mademoiselle, j’aimerais faire l’amour avec toi. »
Marie Décary aurait sans doute trouvé une ligne directrice à son histoire si David ou Destinée s’étaient révélés de véritables héros. Mais leurs constantes hésitations et l’absence d’une quête véritable ne les rendent pas admissibles à ce titre. Reste l’humour de Marie Décary qui réussit par moments à sauver les meubles. [ML]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 70-71.
Références
- Blanchard, Louise, Le Journal de Montréal, 14-08-1993, p. We 14.
- Desroches, Gisèle, Le Devoir, 31-07/01-08-1993, p. B 7.
- Higdon, Pascale, imagine… 65, p. 98-99.
- Montpetit, Charles, Solaris 106, p. 63.