À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
À Andropolis, cité entièrement masculine, laisser transparaître des sentiments de tendresse équivaut à avouer n’être qu’une pissasiz, c’est-à-dire un Il-elle, un efféminé tout juste bon à s’occuper des besognes domestiques, indigne de l’exercice du pouvoir réservé aux Ils-Ils. Voilà le destin qui guette Il-234, un gamin surpris par ses congénères à s’émouvoir d’un oiseau blessé, et Il-92, l’adolescent qui se lie d’amitié avec lui. Les deux font bientôt la rencontre d’Il-elle-669, un fugitif, qui les invite à le suivre vers le monde extérieur à la cité, celui où vivent les Elles-elles, où la tendresse n’est pas taboue. Il-92 n’ose pas, choisit plutôt de retourner à la cité pour y subir son initiation.
Commentaires
Guy Bouchard poursuit ici le tableau d’une société phallocrate et cruelle, amorcé dans sa nouvelle « Andropolis » (lauréate du prix Septième Continent 1989). On a l’impression d’ailleurs que ces nouvelles sont en fait des chapitres d’un tout encore à venir, un cycle romanesque dans le genre des Fondation d’Asimov. Cela reste à voir… Quoi qu’il en soit, on peut très bien lire chaque fragment individuellement ; remercions en le talent de l’auteur qui, les deux fois, réussit à installer son décor de manière très allusive, sans insister. Avec une sobriété qui force l’admiration, Bouchard brosse une vision sombre et pessimiste d’un futur peut-être pas si lointain, vision à rapprocher de celle que présentait Michel Martin dans « La Saison du miracle », autre excellente nouvelle dont j’ai eu à faire la critique pour cette même livraison de L’Année…
Le texte s’achève par le rite de passage dont il est question dans le titre, décrit dans un style froid qui correspond bien au sadisme qui le caractérise ; en effet, il s’agit pour les adolescents de tuer un petit animal à mains nues afin d’affirmer leur virilité et se voir admis dans le monde des Ils-ils. Je n’en dirai pas plus, histoire de ne pas gâcher le plaisir de l’éventuel lecteur, sinon que le récit de Bouchard constitue un émouvant plaidoyer en faveur de la tendresse. [SP]
- Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 38-39.