À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Une révolution se prépare sur Sarion. Le Voyageur (Ilario) et Nelle sont contraints de quitter la planète. Samiva les accompagne, espérant découvrir le monde d’origine des Fréens. À l’approche de la Terre, le vaisseau est attaqué. Nelle et Samiva réussissent à s’échapper avec deux compagnons. Ilario disparaît. Nelle apprend alors qu’un conflit a dévasté la Terre trois cents ans plus tôt, conflit auquel aurait assisté Ilario. Le petit groupe se réfugie auprès des rebelles ussans du désert. Mais l’état de Samiva inquiète. Depuis sa sortie du caisson de sommeillent, la Fréenne agit comme une automate ; elle ne réagit qu’aux paroles de Nelle. Elle a en fait été « programmée » par Ilario. Et personne ne détient la « clé ».
Une vieille femme vivant seule au milieu de la Désolation entend le cri intérieur de Samiva. Issabel de Qohosaten se met en marche. Elle retrouve les trois femmes ayant survécu aux attaques : Nelle, Samiva et Rinnie, une jeune ussane. Par ses pouvoirs psychiques exceptionnels, Issa réussit à briser le verrou dans l’esprit de Samiva. Les quatre femmes se dirigent alors vers la ville fermée de Qohosaten. Samiva, mémoire de Frée, doit y livrer son message. Quant à Issabel, elle entend régler quelques comptes avec les dirigeants (les vieillissimes compagnons d’Ilario) qui se sont servi d’elle lors d’expériences sur la longévité.
Dès leur entrée par effraction à Qohosaten, les femmes sont encerclées. Ne sont-elles pas des rebelles ? Ne faudrait-il pas les tuer ? Issa réussit in extremis à tirer les « dieux » de leurs caissons. Samiva raconte alors son histoire. L’origine du peuple de Frée est enfin connue. Non sans réticence, les divers peuples acceptent de s’allier pour travailler à la reconstruction du monde.
Commentaires
Dans ce troisième et dernier volet de la série Le Sable et l’Acier, tous les mystères se trouvent peu à peu éclaircis : l’histoire et le rôle du Voyageur à la peau flasque, la nature des événements qui ont conduit à l’isolement de Vilvèq, l’origine du peuple de Frée, l’identité de Joffe, etc. Les itinéraires des personnages-clés – Nelle, Samiva, Issa – se croisent sur une Terre socialement et écologiquement dévastée. Trois cents ans se sont écoulés depuis le terrible conflit, mais il reste tant à faire. Tout est à reconstruire : les relations de confiance entre les peuples, les réseaux de communication en dehors des villes, les infrastructures, etc. Les survivants ont lentement appris à vivre dans un milieu devenu hostile (stérilité, désertification, acidité des eaux, intempéries). Un milieu de sable et d’acier. Minéral, aride, dur.
Le lecteur reconnaîtra facilement le Québec, dans un futur éloigné. Les lieux décrits et les noms donnés (Ussans est à rapprocher de USA, Moraille correspond à Montréal, Vilvèq à Québec, etc.) ne permettent pas d’en douter. Malgré l’état déplorable de la planète, la science et la technologie ont continué de se développer dans les grands centres. Le voyage spatial, les manipulations génétiques et la longévité des peaux-flasques révèlent en effet une société très avancée. Certains peuples vivent toutefois dans des conditions rudimentaires (les Ussans habitent les territoires désertifiés et ont des mœurs qui rappellent les sociétés primitives).
C’est dans ce décor hétéroclite et désolant que Francine Pelletier réunit ses trois femmes de tête et de cœur. Nelle, Samiva et Issa partagent un même besoin de vérité, une même force de caractère, une même nécessité de confronter les peurs et les limites pour combattre l’ignorance et faire avancer les choses. Toutes trois ont choisi l’exil et la rupture. Elles appellent le changement. Leurs itinéraires se ressemblent, mais leurs personnalités diffèrent. Nelle étonne et fascine par ce curieux mélange d’insouciance et de témérité qui la caractérise. C’est une jeune femme séduisante et sensuelle, déterminée, mais ses comportements d’enfant gâtée traduisent encore une certaine immaturité chez elle (ses dures épreuves auraient dû pourtant la transformer…).
Samiva paraît plus dure et réfléchie. C’est un être de devoir et de mission. Les conditions de vie sur l’île de Frée, comme le métier marginal qu’elle a choisi, ont forgé sa personnalité. Cette femme de défi reste malheureusement en retrait dans la deuxième partie du roman, puisqu’elle se trouve prisonnière de la programmation d’Ilario. Une idée décevante. N’aurait-il pas été plus intéressant de donner voix et âme à Samiva, de l’entendre cheminer aux côtés d’Issa, de connaître ses réactions profondes dans ce moment de découverte tant appréhendé et espéré… ? Quant à Issa, personnage principal de ce roman, sa longue et douloureuse expérience de vie, ses dons exceptionnels (longévité, capacité de régénération, sensitivité télépathique), de même que son caractère frondeur en font un guide parfait pour l’ultime étape. Issa vibre en sympathie avec Samiva. Elles sont de la même trempe.
Dans la première partie du roman, les récits d’Issa (sur Terre) et de Nelle/Samiva (sur Sarion) avancent en alternance. Francine Pelletier nous introduit de fort belle façon à Issa. Les courts passages nous révélant la pensée de ce nouveau personnage-clé, vivant seul au milieu de la Désolation, comptent parmi les plus réussis du livre. Issa est âgée. Très âgée. Son corps se refuse à mourir. C’est une femme dévastée par la solitude que nous découvrons la première fois. Le vent a tout balayé autour d’elle et en elle. Jusqu’à ce que l’appel de Samiva se fasse entendre à l’intérieur, qu’il éveille le désir de la rencontre et du renouveau.
Nul doute que Le Sable et l’Acier constitue une œuvre marquante (de mutation) dans le parcours de Francine Pelletier, davantage connue et reconnue pour ses écrits consacrés à la jeunesse. Avec cette trilogie, Pelletier montre qu’elle excelle dans les romans d’action, et qu’elle sait construire et conduire une intrigue complexe. Il ne faut guère s’attendre toutefois, dans ce dernier volet, à des éléments novateurs dans le portrait des sociétés, des individus ou de l’environnement : la description des hommes sauvages (rites, langage) et l’attitude de Rinnie manquent un peu de nuance, le personnage de Fruman rappelle les Fremen de Dune, et la déification des peaux flasques paraît peu crédible. Le Sable et l’Acier n’en demeure pas moins une œuvre majeure, réussie. Une belle œuvre sur l’ouverture et le recommencement. [RP]
- Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 130-132.
Prix et mentions
Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois 1999
Références
- Beauregard, Robert, Nuit blanche 74, p. 24.
- Le May-Boucher, Marion, Impact Campus, 17-11-1998, p. 23.
- Malavoy-Racine, Tristan, Voir (Québec), 04/10-02-1999, p. 20.
- Paquette, Marie-Josée, Kraken, vol. 3, n˚ 2, p. 5.
- Taillon, Claire, Le Libraire, novembre 1998, p. 29.