À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Deux empires stellaires viennent de conclure la paix après cinquante ans de conflits meurtriers. Juana Ross Astilanne, ex-pilote d’escorteur, languit dans la vie civile sur Mars. Le Commodore Smeeth, son commandant durant la guerre, lui offre de reprendre du service en accompagnant une mission sur la planète Armenia.
Les habitants d’Armenia prétendent avoir réussi à produire, à l’aide d’un collisionneur de particules, des quarks libres et stables, ce qui ouvre la voie à la fusion à basse température, qui serait une source d’énergie immense et à très bas prix. Or, Armenia est prête à vendre ses quarks au plus offrant ; on craint même qu’elle ne fasse sécession pour rejoindre l’empire Boskan.
Les Armenians disent-ils la vérité ? Leurs affirmations semblent être confirmées par un test spectaculaire ; les émissaires de l’Empire sont convaincus. Mais les négociations n’aboutissent pas, et des vaisseaux de guerre boskans font leur apparition. Armenia est prête à passer dans le camp adverse.
Après les jeux de la paix, ceux de la guerre commencent. Au cours de la bataille qui s’ensuit, Astilanne comprend soudain la clef du mystère : ce n’est pas le collisionneur de particules d’Armenia qui est la source des quarks, mais un site sur la lune Ararat. Astilanne convainc le Commodore de bombarder le satellite. Dès le début de l’attaque contre la lune, les Armenians se rendent.
La paix est rétablie sur Armenia, et elle arrive enfin pour Astilanne, qui sait qu’elle ne ressentira plus jamais le besoin de se battre.
Commentaires
À la lecture de ce texte, je me dis que si Poul Anderson écrivait en français, il aurait bien pu produire « Les Jeux de la paix et de la guerre ». Il ne s’agit pas pour autant d’un pastiche ou d’un hommage sans originalité – plutôt un « à la manière de » où la voix du véritable auteur n’est nullement éclipsée.
Le résumé pourrait faire craindre un texte bêtement militariste, au style utilitaire. Il n’en est rien. Trudel a une écriture fluide, élégante dans son évocation des sentiments comme dans sa description des batailles aériennes et spatiales. De plus, il possède beaucoup de culture : culture scientifique qui non seulement assure des extrapolations rigoureuses, mais qui nous donne aussi cette délicieuse touche de dialogue : « Comment dessines-tu un quark ? — Avec six couleurs. » ; culture générale, depuis la citation appropriée de Joyce jusqu’aux noms des escorteurs qui réfèrent tous à des armes anciennes ; culture SF enfin, qui garantit l’originalité de ce texte en même temps qu’elle le rattache aux traditions du genre.
Certes, d’aucuns reprocheront à l’auteur de ne pas nous répéter pendant cinq pages que la guerre, c’est horrible et c’est mal ; mais une telle critique s’appuierait sur une conception du texte comme outil de propagande, vision réductrice s’il en est. Si le personnage central d’Astilanne éprouve une fascination certaine pour les vaisseaux de combat (d’autant plus que les pilotes sont mariés cybernétiquement à leurs escorteurs), elle n’en est pas moins amèrement consciente des horreurs et absurdités inhérentes à la guerre. L’ambivalence de ce point de vue se rapproche davantage de la réalité de la guerre qu’une prise de position sans mélange.
D’ailleurs, si Astilanne arrive à la fin de la nouvelle à trouver la paix intérieure, n’est-ce pas parce qu’elle s’est enfin battue pour la paix, pour éviter le recommencement d’un conflit insensé, et non plus pour des considérations de pouvoir ? Il est important de noter que le bombardement d’Ararat qu’elle déclenche prive en fait les deux parties de l’accès aux quarks libres.
« Les Jeux de la paix et de la guerre » : un texte accessible, où l’action est sans cesse présente, mais qui demeure toujours intelligent. [YM]
- Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 170-171.