À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Palmor règne paisiblement depuis dix ans sur une vaste contrée limitée par des montagnes servant de frontières avec d’autres pays. Depuis son accession au trône, il a entrepris de grandes réformes sociales pour le mieux-être de ses sujets. Ces transformations avaient mis fin à un régime de plus en plus despotique que l’ancienne famille royale, au pouvoir depuis trois cents ans, imposait à ses commettants.
C’est à nouveau le Jour de la lune dans le royaume et, selon la tradition, quiconque veut contester le pouvoir peut le faire, comme Palmor l’avait fait une décennie plus tôt. La rumeur veut que Sélénia, princesse issue de l’ancienne lignée, soit à la fête populaire et en profite pour lancer un défi au roi. En dépit des précautions prises par le conseil royal palmorien pour filtrer les présences aux festivités et empêcher ainsi la contestation, la princesse s’y rend en se déguisant en vieillard qui se transforme au moment du défi en jeune femme radieuse et très belle. Devant le peuple médusé, une joute spectaculaire s’engage alors entre le roi, ancien commerçant du fief et très habile magicien, et sa rivale, toute aussi bonne enchanteresse.
Chacun propose ses visions du monde. Chacun tente de surpasser son adversaire en fantasmagories. Les projections sitôt créées par l’un se voient démolies ou métamorphosées par l’autre. Les deux opposants en oublient même leurs spectateurs dans ce jeu d’artifices. Malgré la fatigue de Palmor, les forces restent sensiblement égales. Le roi voulant finalement céder son sceptre à Sélénia qu’il juge maintenant digne de régner, celle-ci refuse l’offre, préférant poursuivre son rêve et s’envoler vers le cœur de sa légende.
Commentaires
Ce texte de fantasy héroïque était paru en 1984 dans une anthologie de la revue française Fiction. Le récit faisait alors seize pages. Aujourd’hui, il s’agit d’un conte d’un peu plus de cent pages. À l’époque, c’était signé Somcynsky ; maintenant, cette transformation est portée au crédit de Somain – le nom de plume du premier, faut-il savoir).
Mais qu’est-ce qui distingue les deux versions ? En fait, des pans entiers de la première mouture officielle se retrouvent souvent repris dans la seconde. Seuls quelques éléments de phrases sont inversés à l’occasion. Ou alors, on constate des altérations stylistiques mineures et cela donne des opérations plus ou moins cosmétiques pour mieux lier l’ancien et le nouveau. C’est surtout dans les détails fournis sur certains aspects que se produit l’allongement du propos initial. Ainsi, la mention « ses propres enfants », au nombre non précisé en 1984 – ceux de Palmor, bien sûr – fournit environ trois pages d’informations complémentaires sur ses trois rejetons qui n’entendent pas perpétuer, motifs à l’appui, la monarchie héréditaire.
Les personnages sont les mêmes et ils interviennent assez pareillement dans les deux versions. Faut-il noter toutefois Igla, magicien influent, qui est devenu depuis Argal, toujours magicien important, mais dont les responsabilités en matière de sécurité sont mieux définies au moment de la fête particulière du Jour de la lune ? Il faut par ailleurs s’amuser de la “dévaluation” de Palmor qui, sous Somcynsky, est tenté par un royal droit de cuissage en rencontrant une jeune fille dans ses jardins et qui, sous Somain, « n’[a] plus le cœur de savourer la compagnie » de la même donzelle. L’auteur a assagi entre temps le comportement de ses personnages sur la bagatelle !
Sur le plan formel, l’intrigue de 1984 comportait onze parties non numérotées, séparées les unes des autres par un triangle d’astérisques – c’est commun aux autres textes de la revue, peut-on remarquer. En 1997, l’œuvre se subdivise désormais en quinze chapitres numérotés et titrés, deux des sections antérieures s’étant multipliées, en plus de s’étirer par le menu. La mise en page et la typographie y sont beaucoup plus aérées. Cette seconde édition s’accompagne également de cinq illustrations pleine page de Pierre Trépanier.
Voilà, pour l’essentiel, les modifications qui distinguent les deux périodes de production.
Sur le plan du style, la plume est restée fluide. On aurait pu préférer une réécriture plus substantielle, plus distanciée ; le travail de reconversion, de retranscription demeure satisfaisant. Il est simplement fidèle au modèle original, pourrait-on dire ; toutefois, le lecteur n’est pas informé de l’existence de la version antérieure. Un oubli de l’éditeur ? Mais le Somain nouveau n’est pas à dédaigner pour cela. Le texte initial s’est enrichi par ces ajouts à l’histoire, les personnages sont plus caractérisés, leur psychologie est plus fine sans donner cependant dans l’analyse pointue des esprits. La description de la compétition s’est substantiellement développée.
C’est peut-être ainsi que le projet politique et social de Palmor gagne en visibilité. Si le roi manifestait, dans l’abrégé, une conscience sociale intéressante et questionnait la finalité de la monarchie, dans l’allongé, nous glissons vers des pratiques plus démocratiques d’exercice de pouvoir, avec des relents d’utopie. Palmor vise une société meilleure, il a présidé déjà à certaines transformations sociales, avons-nous révélé ; il espère dorénavant des mutations profondes pour son peuple : l’avenir lui permettra de passer du Moyen Âge magique à une collectivité plus moderne capable d’assumer sa destinée à travers une technologie semblable à la nôtre (ou la dépassant) et un cadre décisionnel plus apte à favoriser l’autonomie de la population. C’est là l’aspect science-fictionnel de ce vaste conte, Le Jour de la lune. Ce n’est pas à négliger. [GHC]
- Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 166-168.
Références
- Beauregard, Robert, Nuit blanche 70, p. 11.
- Martel, Réginald, La Presse, 10-08-1997, p. B 3.
- Vincent, Sébastien, Lurelu, vol. 20, n˚ 3, p. 39.