À propos de cette édition

Éditeur
Paulines
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 85
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
107
Lieu
Montréal
Année de parution
1993
ISBN
9782890395862
Support
Papier

Résumé/Sommaire

La colonisation de la planète Milanéra s’est révélée être un désastre. En effet, un symbiote microscopique infecte les humains et attaque l’organisme des femmes. Pour survivre, soit celles-ci deviennent sajennes, au prix d’un traitement qui les désexualise radicalement, soit elles prennent les drogues des Songes qui leur permettent de rester fertiles au prix d’un sommeil presque constant.

Mircaï est un jeune homme qui désire visiter la capitale, Cusagnas. La bureaucratie ne cesse de lui mettre des bâtons dans les roues mais lui, en retour, s’obstine jusqu’à obtenir un permis de séjour et un billet de train – sauf que les autorités ont eu la malice de le faire arriver en ville lors du jour-de-trop, le 401e jour de l’année de Milanéra. En cette journée, les lois sont suspendues et l’anarchie règne.

Mircaï découvre à Cusagnas les aspects les plus sombres de sa société, tournant autour du sort terrible des femmes. Payé pour féconder une dormeuse dont le mari est infertile, assistant à une comédie tragique lors de la fête des fous, Mircaï se retrouve finalement en compagnie de trois jeunes femmes. Il lui faudra longtemps avant de comprendre que ce ne sont ni des fillettes, ni des sajennes, ni des mères éveillées, mais des femmes qui ont choisi de vivre pleinement en tant que jeunes femmes – pour quatre ou cinq ans, avant que le symbiote ne les tue. Elles lui volent son argent et ses papiers, ce qui le contraint à rentrer chez lui. Mais l’une d’elles, Nadeline, tente de lui faire comprendre leurs raisons et le convie à la retrouver lors du prochain jour-de-trop.

Commentaires

À la relecture de ce roman, adapté à partir d’une nouvelle parue dans Solaris 87, je suis frappé par la tristesse, le désespoir même, qui s’en dégagent. Milanéra agonise : ses habitants s’exilent quand ils le peuvent et les faubourgs de la capitale sont livrés à l’abandon. Le climat du roman est cauchemardesque ; si le symbiote constitue une justification science-fictionnelle de la condition des femmes (encore que son « ancrage dans le code génétique » ne passe pas la rampe), le sort tragique de ces dernières a un impact émotif qui rappelle celui de maints textes fantastiques ou horrifiques.

L’intrigue du Jour-de-trop suit le patron classique du roman d’apprentissage dont le protagoniste ressort mûri et, habituellement, en ayant trouvé sa place dans la société. On pourrait déjà argumenter que ce schéma est réducteur, voire réactionnaire. Une œuvre de SF se doit de subvertir le schéma, typiquement en démontrant l’ampleur des possibilités qui s’offrent à chacun. Dans ce cas-ci, Mircaï est amené à constater qu’on ne peut échapper à l’horreur de Milanéra. La société divise l’année en 20 mois de 20 jours, une année « carrée », reflet d’une perfection de l’ordre social. Mais le jour-de-trop, lui, est l’emblème de tout ce que les Milanériens tentent d’ignorer, le déni collectif d’une civilisation refusant d’admettre qu’elle se meurt.

Par contraste avec la SF classique – apollonienne, technophile et triomphaliste – Le Jour-de-trop est dionysiaque (on notera que les festivités frénétiques (« the revel ») sont d’ailleurs emblématiques de la littérature d’horreur selon l’éminent critique John Clute), la technologie y est limitée (tout ce qu’on nous y présente relève du mi-XXe siècle, à part les drogues qui pallient les ravages du symbiote sans jamais pouvoir les guérir) et le roman se conclut sur une note amère. Quand bien même Mircaï pardonnerait à Nadeline, que gagnerait-il à la revoir pour une journée l’année d’après, en supposant qu’elle soit encore vivante ?

Bref, c’est à peine croyable que les Éditions Paulines aient publié ce roman ! Il se peut que ses lecteurs plus jeunes n’en perçoivent pas toute la charge dépressive ; après tout, Le Seigneur des anneaux est bien une des œuvres littéraires les plus tristes qui soient, mais les gamins de quatorze ans (j’en étais) qui s’y plongent avec délices ne s’en rendent pas compte. Et puis, de toute façon, un bon livre est un bon livre. Or, Le Jour-de-trop est superbement écrit, palpitant et émouvant. Un excellent antidote au gnan-gnan de la littérature jeunesse traditionnelle. [YM]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 54-55.

Références

  • Anonyme, Littérature québécoise pour la jeunesse 1993, p. 28.
  • Desroches, Gisèle, Le Devoir, 22/23-05-1993, p. D4.
  • Dupuis, Simon, Lurelu, vol. 16, n˚ 2, p. 14-15.
  • Frenette, Jean, Québec français 92, p. 107.
  • Martel, Julie, Samizdat 24, p. 32.
  • Martel, Julie, Solaris 105, p. 46.
  • Martin, Pierre, Temps Tôt 26, p. 35.