À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
À James Dean City, capitale des arcades de jeux vidéo, tout est prêt pour la quatorzième édition des Olympiades. Au fil de ces compétitions qui ont lieu tous les cinq ans, aucun participant n’a réussi à sortir vainqueur de ces affrontements. Monroe et Jagger ont terrassé tous leurs adversaires et doivent s’affronter dans la grande finale au Suicide Palace. Vont-ils aller au bout de leurs rêves ou comprendre qu’ils n’ont aucune chance de gagner ?
Commentaires
Je n’ai jamais trippé fort sur les jeux vidéo et je n’ai jamais fréquenté les arcades. Néanmoins, la nouvelle de Michel Lamontagne m’a accroché du début à la fin. C’est qu’elle dépasse le simple engouement pour les jeux électroniques et contient une critique de la culture anglo-saxonne, plus particulièrement de la culture de masse américaine. Les deux vecteurs de cette culture sont le cinéma, incarné par Monroe qui voue un véritable culte à Marilyn, et le rock, personnifié par Jagger qui idolâtre le chanteur des Rolling Stones.
Michel Lamontagne met en scène deux personnages aliénés par le rêve américain : devenir une vedette médiatique. L’auteur dénonce la manipulation à laquelle se livrent ceux qui détiennent le pouvoir. On dit à Monroe quoi dire en entrevue et on force Jagger à abandonner parce qu’on ne veut pas d’un vainqueur. Sa victoire est en effet trop prévisible depuis que Monroe s’est blessé à une main à quelques jours de la grande finale. Toutefois, les deux héros de la nouvelle déjouent le système en se retirant juste avant qu’il ne soit trop tard.
Tout en dénonçant ce système social qui valorise à outrance le « winner » et crée des héros instantanés, l’auteur demeure fasciné par le rêve américain. Cette ambiguïté contribue pour beaucoup à la richesse du texte. Sa critique sociale rejoint celle de Jean-Pierre April sur plusieurs points. « Jusqu’au dernier » rappelle notamment « Angel » qui se déroulait dans le monde des pop stars.
La nouvelle de Lamontagne traduit les préoccupations des jeunes d’aujourd’hui : identification à des modèles médiatisés, fatalisme face à l’avenir qui contribue à développer une attitude suicidaire. Ces deux paumés ne sont pas sans évoquer les deux héroïnes de Bertrand Blier dans Merci la vie.
Ironique, percutant et lucide dans son analyse du mythe américain moderne, « Jusqu’au dernier » compte parmi les bonnes nouvelles de Michel Lamontagne qui sait se renouveler d’un texte à l’autre. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1991, Le Passeur, p. 100-101.