À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Ambar, le neveu préféré d’Ederan, roi de Parador, traverse la palissade qui interdit l’accès à la forêt de Cournaden à la faveur de la nuit et d’un médaillon magique qui le transforme en lièvre. Ambar est passionné par l’Histoire et il cherche à découvrir la légendaire cité de Damnos qu’il croit perdue quelque part dans la forêt de Cournaden.
Agaël, le garde affecté à la surveillance de la palissade, le surprend et se lance à sa poursuite dans la forêt maudite. Les deux Kadéliens sont faits prisonniers par des hommes masqués. Ils se réveillent dans un cachot, en compagnie d’Azurée, une jeune fille du pays situé à l’ouest de Cournaden, le royaume de Tahorm, et d’un petit voleur appelé Puce.
Les deux compagnons sont amenés devant le Roi Roquéran qui les interroge sur leur identité et cherche à leur soutirer des renseignements sur l’épée Féremsil, une épée magique qu’il convoite. Malhorn, le gardien du Plan, croit qu’Ambar peut le conduire à cette épée ayant appartenu à James Thucker, le chef des Stellaires qui a vaincu le peuple de Volgor. Depuis cette malédiction, les habitants de Volgor vivent dans une cité souterraine et ruminent leur vengeance. Ils se défendent de leurs voisins en enlevant les intrépides qui se hasardent dans la forêt et s’assurent leur fidélité en leur faisant prendre une herbe noire appelée aès qui les rend amnésiques. Ils rêvent de reconquérir la surface et d’assujettir les royaumes de Parador et de Tahorm dont les habitants sont les descendants directs des Stellaires, sans toutefois disposer de la magie de ceux-ci.
La possession de l’épée Féremsil assurerait à Malhorn et à son peuple une supériorité écrasante sur ses ennemis. Il favorise donc leur évasion de la cité souterraine de Fel Emnas dans l’espoir qu’ils le conduiront à Damnos où repose Féremsil. Entre temps, Malhorn a fait absorber de l’aès à Azurée, dont Ambar est tombé amoureux, afin qu’elle le trahisse au moment opportun. Le groupe de fuyards choisit de s’enfuir sur un radeau en empruntant une rivière souterraine au lieu de remonter à la surface.
Après des jours de navigation, ils échouent sur une plage, aux portes de la cité de Damnos. Azurée administre alors une dose d’aès à Ambar et à Agaël après qu’ils eurent découvert Féremsil. Elle est sur le point de mener à terme le projet de Malhorn quand elle doit affronter une armure qui les a suivis à distance. Cette armure magique est l’incarnation de James Thucker, le propriétaire de l’épée. La puissance du Stellaire est trop grande pour Azurée qui est finalement délivrée de son maléfice et retrouve Ambar.
Commentaires
On aura reconnu à la lecture de ce résumé tous les ingrédients du récit d’heroic fantasy. Kadel de Luc Ainsley est en effet la première partie, sous-titrée L’Armure et l’épée, d’une œuvre d’heroic fantasy qui répond en tous points aux canons du genre. On y assiste à une lutte entre le Bien et le Mal, lutte qui oppose la magie blanche et la magie noire. Il n’est pas jusqu’au combat que se livrent la lumière et l’ombre qui ne soit littéralement inscrit dans le récit puisque les Kadéliens, habitants de la surface et vivant en plein jour, sont aux prises avec les visées belliqueuses des Volgoriens, retranchés dans une cité souterraine et réduits à vivre dans l’obscurité.
Si le cadre et l’enjeu de l’affrontement sont présentés avec efficacité et dans la plus pure tradition du genre, à laquelle participe l’insertion d’une carte de cet univers imaginaire, c’est par la suite que le récit d’Ainsley se gâte sérieusement et qu’on peut mettre en doute certaines décisions de l’auteur. En fait, à mesure qu’on progresse dans le récit, on est de plus en plus déçu car les événements apparaissent de plus en plus prévisibles. Le principal ressort de l’heroic fantasy est l’action, de préférence trépidante et bourrée de rebondissements. Le récit d’Ainsley manque singulièrement de rythme. Il se perd dans des digressions qui ne font aucunement avancer l’action principale.
Ainsi, ce personnage du balayeur d’escaliers qui trouve la clé de l’armure qu’a endossée pour son plus grand malheur Hartès, un espion de Malhorn, est tout à fait inutile puisque la clé n’est d’aucune utilité pour Hartès. La présence de certains autres personnages secondaires n’apparaît pas indispensable mais peut-être que la deuxième partie de l’oeuvre la justifiera.
Par contre, on peut se demander sérieusement pourquoi l’auteur s’est débarrassé aussi tôt du conseiller Malhorn, le machiavélique gardien du Plan. De tous les personnages, c’était le plus fort, le mieux développé et pourtant, l’auteur l’abandonne bêtement. Grâce à quelques phrases équivoques, Ainsley avait réussi à donner à ce personnage une ambiguïté intéressante qui le distinguait des rôles de méchants irréductibles. Tout ne semblait pas irrémédiablement perdu dans son cas et une phrase nous amène même à nous demander s’il n’est pas le père d’Azurée : (p. 83). En comparaison, les autres personnages sont à peine esquissés et n’ont guère de présence.
Si l’action semble poussive, c’est peut-être dû au fait que le lecteur n’a jamais l’impression de vivre les événements mais plutôt de se les faire raconter. En outre, l’auteur ne parvient pas vraiment à imposer l’atmosphère étouffante et la noirceur continuelle de la cité souterraine qui constitue la majeure partie du temps le cadre du récit. La différence de perception entre les Volgoriens qui voient dans l’obscurité et les Kadéliens n’est jamais rendue sensible dans la scène de la place du marché public, par exemple.
Mais l’aspect le plus discutable du récit demeure, à mon avis, l’usage qu’il fait de la magie. Luc Ainsley a l’air de croire que l’heroic fantasy l’autorise à utiliser la magie pour dénouer une situation qui s’acheminait vers un cul-de-sac narratif. Comme un mauvais magicien, il utilise la magie inconsidérément et il s’imagine qu’elle peut maquiller toutes les invraisemblances. La plus criante de celles-ci concerne l’armure magique. L’auteur se montre remarquablement muet sur la façon dont l’esprit et le corps de James Thucker en arrivent à phagocyter Hartès.
La découverte de Damnos par Ambar et ses amis à la suite de leur fuite par la rivière souterraine du royaume de Volgor n’est pas très convaincante également. Comment se fait-il que les Volgoriens n’aient jamais songé à explorer ce cours d’eau depuis le temps qu’ils vivent sous terre ? Et la fin ? Digne des plus banales harlequinades, à l’image de l’illustration de la couverture, d’une mièvrerie consommée. Pressé de conclure, Ainsley sort sa baguette magique et hop ! rétablit la situation. (p. 155).
En somme, Kadel, du moins dans la partie qui nous est présentée, ne se distingue pas par son originalité et son efficacité dramatique. L’auteur tente bien d’insuffler un peu d’humour à son récit mais cette intention est continuellement désavouée et battue en brèche par un style grandiloquent qui a pour fonction de souligner la noblesse de la quête d’Ambar et l’importance de l’enjeu du combat.
Luc Ainsley a pourtant remporté un concours pour jeunes auteurs dans la catégorie Littérature de jeunesse avec ce roman, le prix Paul-Aimé Martin 1986. Il a aussi suivi des cours d’Élisabeth Vonarburg à l’Université du Québec à Chicoutimi. Cela démontre tout simplement que de belles références ne veulent parfois rien dire.
Kadel est le deuxième véritable roman québécois d’heroic fantasy. Ludovic de Daniel Sernine possède une structure beaucoup plus complexe et intéressante, des personnages plus développés, sans compter le talent de l’auteur à évoquer des atmosphères et des environnements pleins de lyrisme et de poésie magique. Mais Sernine a du métier tandis que Luc Ainsley fait ses premiers pas dans l’écriture. Sachons reconnaître ce fait en toute honnêteté. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 13-14.
Prix et mentions
Prix Paul-Aimé Martin 1986
Références
- Anonyme, Protégez-vous, Jouets 87, p. 43
- Boivin, Aurélien, Québec français 63, p. 23-24.
- Lortie, Alain, Solaris 68, p. 35-36.
- Martel, Réginald, La Presse, 17-05-1986, p. E 3.
- Mativat, Daniel, imagine… 41, p. 116.
- Plaisance, Gilbert, Lurelu, vol. 9, n˚ 3, p. 13.