À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Ayant perdu la trace de son père, Wondeur décide de rester pour le moment dans la ville-dépotoir et d’aider son ami Moussa à recueillir le plus de signatures possibles pour sauver les derniers arbres de la ville. Au cours de ses déplacements, la fillette aux cheveux rouges rencontre un homme mystérieux qui lit le journal. Et si cet étrange individu était son père ? Wondeur le rencontre à nouveau et celui-ci l’amène aux abords de la ville où elle découvre trois serres au milieu d’un dépotoir. Là vivent deux garçons à qui elle explique l’objectif de sa pétition. Ils décident alors de faire pousser des arbres dans une des serres. Avec l’aide d’une vieille femme, du karatéka, de Moussa et d’un guenillou, ils réparent l’une d’elles et y transplantent des arbustes trouvés dans les champs environnants.
Wondeur et Moussa n’en continuent pas moins d’amasser des signatures pour leur pétition afin de faire pression sur les autorités municipales. Un jour, Wondeur apprend par des affiches placardées dans la ville que Moussa et elle font l’objet d’un avis de recherche. Moussa est aussitôt arrêté. La jeune fille fait alors appel au karatéka et au guenillou pour le sortir de prison. Ils organisent avec succès l’évasion de Moussa et de l’homme au journal avec qui le garçon s’est lié pendant sa détention. Au cours de la fuite dans le camion du guenillou, le poudrier en forme de cœur que Wondeur traîne toujours dans ses poches tombe sur le plancher. Le karatéka le reconnaît. C’est l’ami qu’il a tué accidentellement qui le lui avait donné en cadeau pour la naissance… de sa fille. Wondeur vient enfin de retrouver son père.
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Commentaires
La série de Joceline Sanschagrin a commencé en 1987. Le Karatéka en est le troisième épisode. Trois épisodes, autant de commentateurs différents : ce pourrait être un mauvais signe. Ordinairement, à L’Année…, c’est la même personne qui commente une série. Les circonstances en ont décidé autrement. Mes confrères Denis Côté et Jean Pettigrew avaient apprécié les deux premiers épisodes, Atterrissage forcé et La Fille aux cheveux rouges. Je souscris en bonne partie à leur enthousiasme.
La série de Joceline Sanschagrin dose habilement les préoccupations individuelles et collectives de son héroïne aux cheveux rouges. En effet, Le Karatéka repose essentiellement sur deux thèmes, l’un ayant une portée individuelle (la quête obstinée du père qui fait avancer Wondeur), l’autre ayant une portée collective (la protection des arbres). À la fin du troisième épisode, la quête d’identité de Wondeur connaît son dénouement. Ne reste plus que l’intrigue à saveur écologique à conclure.
À vrai dire, cette préoccupation écologique m’a davantage intéressé que l’autre, plus circonstancielle. L’environnement naturel constitue en effet le moteur de la série. Il fournit un cadre riche à l’intérieur duquel se déploie l’imaginaire de l’auteure. On lui doit notamment le concept de ville-dépotoir qui aurait gagné toutefois à être davantage développé. D’où viennent ces poubelles qui jonchent les rues le matin ? Pourquoi les autorités municipales acceptent-elles cette situation ?
C’est encore le cadre libéré de la représentation mimétique de la réalité qui permet à Joceline Sanschagrin d’évoquer une société totalitaire. Le maire de la ville oblige en effet les citoyens à porter des oeillères parce que, comme le proclame ce dernier, « ici, on se mêle de ses affaires ». En dénonçant cet esprit civique individualiste, l’auteure ne manque pas de pointer du doigt une des plaies de la vie urbaine. C’est là que l’initiative de Wondeur et Moussa de faire signer une pétition par les citoyens prend tout son sens. Elle déclenche une prise de conscience, un mouvement de solidarité qui pourra peut-être changer l’ordre des choses.
L’auteure illustre ainsi comment il est possible de sensibiliser les gens en ayant recours à des moyens pacifiques peu spectaculaires mais efficaces. Le message écologique devient un peu plus appuyé quand elle montre comment planter des arbustes. Les auteurs de littérature pour jeunes ne savent pas toujours résister à la tentation du didactisme. Par ailleurs, il faut mettre sur le compte de la distraction de l’auteure l’erreur qu’elle commet à la page 53. Elle mentionne qu’ils sont sept complices à unir leurs efforts pour réparer une des serres. Or, à ce moment-là, le septième, le guenillou, n’a pas encore décidé de se joindre au groupe.
Pris isolément, Le Karatéka entretient peu de rapport avec la science-fiction ou la fantasy même si cette ville-dépotoir appartient sans doute à un autre univers. C’est souvent le cas des romans destinés aux jeunes de neuf à douze ans. Les éléments du texte qui définissent l’appartenance à un genre littéraire y sont encore flous. On ne peut toutefois s’empêcher de penser que le nom de l’héroïne a une valeur emblématique qui évoque le fameux sense of wonder. En outre, les dons particuliers de Wondeur ne sont pas mis à contribution dans cet épisode. À peine un rêve qui tourne au cauchemar rappelle-t-il au lecteur que Wondeur a déjà eu le pouvoir de voler, pouvoir qu’elle semble avoir perdu, du moins momentanément.
En somme, il reste encore des questions en suspens auxquelles le quatrième épisode, Mission audacieuse, se chargera sans doute d’apporter des réponses. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 170-172.
Références
- Anonyme, Vie pédagogique 72, p. 26.
- Le Brun, Claire, imagine… 51, p. 116-117.
- Lortie, Alain, Solaris 91, p. 48.
- Monette, Geneviève, Québec français 80, p. 98.
- Sauvé, Élaine, Lurelu, vol. 13, n˚ 3, p. 8.