À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Michelle est une prostituée. Tard un soir, elle visite un client nommé Rapendish. Ce dernier, dont les yeux vides et les apparents fantasmes animaliers n’ont rien de rassurant, décide de donner à Michelle le surnom de Laïka, comme la première chienne qui est allée dans l’espace. L’homme traite Michelle comme si elle était littéralement une chienne, la forçant à laper le whisky qu’il lui propose, lui offrant à manger un steak cru et lui passant au cou une ceinture en guise de laisse. Si la prostituée adopte d’abord les comportements d’un chien pour plaire à son client, le lecteur constate rapidement que le changement qui s’opère en elle est plus profond et que les motivations de Rapendish ne sont pas aussi évidentes qu’il n’y paraît.
Autres parutions
Commentaires
« Laïka » est un texte qui risque de ne pas plaire aux lecteurs sensibles, qui sont rebutés par les récits décrivant explicitement des actes de violence commis envers des femmes. De fait, les sévices que Rapendish fait subir à Michelle/Laïka et les propos méprisants qu’il tient à son égard ont tout pour insuffler chez le lecteur un désagréable sentiment de malaise et de dégoût. Notons que la prémisse apparaît tout de suite problématique : l’appellatif « chienne » est particulièrement connoté dans le contexte d’une économie sociale patriarcale et misogyne.
C’est donc avec une certaine appréhension qu’on avance dans la lecture de la nouvelle de Natasha Beaulieu. Les descriptions des actes de violence à caractère plus ou moins sexuel que commet Rapendish sont plutôt graphiques. Le lecteur en vient parfois à avoir l’impression de quasiment plonger dans l’univers cinématographique de la torture porn. Or, dans la deuxième moitié de la nouvelle, un glissement narratif s’opère : Michelle adopte non seulement les comportements d’une chienne, mais elle commence aussi à présenter des caractéristiques canines, autant psychologiques que physiques. Cette transformation aux allures de métamorphose lycanthrope culmine en un épisode de dévoration plutôt satisfaisant pour le lecteur qui, depuis le début de la nouvelle, souhaitait que la situation se retourne contre Rapendish.
Si l’écriture de Beaulieu est élégante, malgré la dureté d’un propos qui donne parfois la nausée, c’est sur le plan de ce jeu narratif entre femme et louve que « Laïka » fait mouche. [JOA]
- Source : L'ASFFQ 1994, Alire, p. 16.
Références
- Laflamme, Steve, Récits fantastiques québécois contemporains, p. 222-225.