À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Françoise rapporte le récit que lui a fait l’homme d’État Adolphe Chapleau lors d’un voyage en Gaspésie. Une jeune noble de France, Blanche de Beaumont, séparée de son fiancé, Raymond de Nérac, en poste depuis quelques années à la garnison de Québec, à l’époque de la Nouvelle-France, décide de traverser l’océan pour le rejoindre. Le vaisseau qui la transporte est attaqué par des pirates. Le capitaine lui laisse la vie sauve pour l’épouser. Comprenant qu’elle ne reverra jamais son fiancé, elle saute à l’eau et se noie. Le spectre de Blanche apparaît sur le Rocher de Percé quand le vaisseau-pirate s’en approche et elle le transforme en « une masse compacte de rochers ».
Commentaires
« La Légende du Rocher de Percé » est l’une des plus belles légendes du répertoire québécois en raison de son caractère romantique et de la fin tragique de son héroïne. Elle entretient une parenté d’esprit avec la légende de la Dame blanche associée à la chute Montmorency, à Québec.
La présente version est enchâssée dans un texte de Françoise empruntant la forme journalistique des billets qu’elle publie dans la presse à l’époque et dans lesquels l’auteure se met en scène. Elle évoque le souvenir de son voyage en Gaspésie en 1896 à bord du steamer « Amiral » où elle rencontre Adolphe Chapleau, cinquième premier ministre du Québec de 1879 à 1882. Ses considérations sur la beauté du paysage introduisent le sujet à venir, le Rocher Percé, emblème de la Gaspésie, « un énorme monolithe, déposé là comme par l’enchantement d’un puissant magicien ». Le récit de Chapleau, très bien mené et sensible, contient quelques passages forts, dont la scène de l’abordage du vaisseau-pirate, décrite avec une abondance de détails dans un style très réaliste.
Robertine Barry, qui signe ses textes du pseudonyme de Françoise, a développé un style très libre et personnel dans ses chroniques qui abordent une foule de sujets, la plupart n’étant pas nécessairement littéraires. À titre d’exemple, dans « Un fait extraordinaire », sa position d’observatrice étouffe toute velléité fictionnelle par rapport aux événements surnaturels rapportés par les journaux, si bien que ce texte relève de la nouvelle (journalistique, plutôt que littéraire). À mi-chemin entre la confidence et le reportage, ses textes, hybrides, épousent le ton du journal personnel. Le périodique qu’elle a fondé ne s’appelle-t-il pas d’ailleurs, de manière ambigüe, Le Journal de Françoise ?
« La Légende du Rocher de Percé » est fort représentatif de la manière de l’auteure qui, sans doute, se considérait comme une journaliste qui écrit et non comme une écrivaine qui fait du journalisme. Son cas est singulier dans les lettres québécoises car elle ne revendique pas la part de fiction présente dans ses textes, les attribuant plutôt à un deuxième narrateur. Les auteurs du XIXe siècle n’ont pas agi autrement en confiant la parole à un conteur mais, contrairement à eux, Françoise se pose en reporter qui répercute le récit en toute objectivité professionnelle, sans le commenter. [CJ]