À propos de cette édition

Éditeur
LTR
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
313
Lieu
Stoneham
Année de parution
1995
ISBN
9782921866002
Support
Papier

Résumé/Sommaire

L’essentiel de l’existence d’Annie Dubreuil, célibataire malgré elle après quelques déconvenues amoureuses avec des hommes peu intéressants, se déroule dans une PME où sévit un directeur du personnel ridiculement macho. Un jour lui parvient une lettre estampillée le 10 juin 1940 ; le destinateur n’est nulle autre que sa tante Édith, le mouton noir de la famille, morte ce jour de 1940 à trente-cinq ans (l’âge d’Annie aujourd’hui). Selon des experts, papier, timbre et cachet de poste sont rigoureusement authentiques. Persuadée néanmoins qu’il s’agit d’un canular, Annie, qui se double d’une enquêteuse-née, retourne dans le village de son enfance – Saint-Simon, en Beauce – afin d’éclaircir cette affaire.

Commentaires

Sous couvert de fantastique, La Lettre d’Édith, premier roman du « communicateur » Pierre-Rolland Mercier, prend les allures d’une chronique villageoise à laquelle les Dubreuil ont pris une part active. Des témoins de la première heure sont encore vivants et sous les questions d’Annie, des langues se délient, dont celles du curé et de la vieille boulangère. On apprend ainsi qu’Édith a épousé un Américain et l’a suivi aux États-Unis. Le père, pourtant lui-même coupable de péchés graves, soit d’inceste avec sa cadette Catherine, ne lui pardonnera pas d’avoir abjuré la foi catholique pour l’amour d’un protestant. Lorsqu’Édith, devenue précocement veuve, et fabuleusement riche – ce que personne ne sait – revient vivre au village, son père refuse de l’accueillir et lance une pétition réclamant son excommunication.

La véritable trame de fond de ce roman étiqueté comme fantastique est là, dans l’évocation du Québec rural et ultra-catholique d’avant la Deuxième Guerre mondiale. En filigrane sont exploités les thèmes de l’héritage, de la culpabilité, du pardon et, peut-être surtout, de la vengeance. Vengeance dont Édith, honnie de tous, tisse patiemment les fils. Dans un premier pied de nez à la famille et aux villageois, elle se fait construire une maison de rêve à Saint-Simon. Puis trouve « un moyen de transmettre son héritage dans le temps, afin d’en priver ceux de son époque ». L’heureuse élue est bien sûr Annie, et la lettre soi-disant envoyée de l’au-delà, écrite de la blanche main d’un notaire – nous serions donc en présence d’un récit réaliste, ce qui sera cependant infirmé à la toute fin –, n’était que le premier élément de la mise en scène alambiquée imaginée par sa tante un demi-siècle plus tôt.

Mise en scène si alambiquée qu’elle n’est guère crédible. Résumons. Édith, morte archimillionnaire à l’âge de trente-cinq ans, a une sœur et un frère cadets, et lègue sa fortune au premier de ses descendants qui atteindra trente-cinq ans. Or de Catherine, l’auteur a fait un personnage totalement machiavélique : c’est elle qui séduit son faible père (à dix ans !), elle encore qui, plus tard, incite son aînée à revenir au village en l’assurant qu’elle sera reçue comme l’enfant prodigue. On doute qu’Édith, avide de vengeance, ait voulu avantager la progéniture de la sœur indigne et haïe, comme cela aurait pourtant pu.

Mais encore plus que d’une prémisse tirée par les cheveux – cette mise en scène dans laquelle Édith semble avoir tout prévu –, le roman souffre d’une écriture d’un amateurisme consternant. Les thèmes évoqués sont abordés sans profondeur de champ tandis que les personnages sont généralement unidimensionnels et caricaturaux. Quant au personnage de Catherine, enfant séductrice, manipulatrice et perverse qui force presque son père à coucher avec elle pour cause de jalousie envers l’aînée Édith, il suscite le malaise, pour le moins.

Pour couronner le tout, ce roman manifestement publié à compte d’auteur est truffé de conjugaisons erronées (passé simple quand l’imparfait est requis, par exemple) et de fautes de ponctuation et d’orthographe. Les virgules sont rarement au bon endroit et avant même la page 30, on aura rencontré notamment « de forts peu élogieuses épithètes », une femme qui « fonderait en larmes », quelqu’un trop peu fiable « pour qu’on lui confit », « pas un sous », « qu’est-ce qui t’arrives ? » et j’en passe. Gênant.

Bon, lettre d’Édith bel et bien envoyée de l’au-delà il y aura tout de même, après qu’Annie aura touché son mirifique héritage. C’est donc in extremis, sur la foi de sa dernière page, que La Lettre d’Édith peut être associé au genre fantastique. [FB]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 129-130.