À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
La très dévote reine Pascuala soupçonne son époux, le roi Marsal d’Evres, de sorcellerie, ce qui est un péché grave. Il aurait même sacrifié de ses rejetons illégitimes à des démons. Pascuala envoie donc une lettre au pape Bienheureux pour lui demander de déclarer la guerre à Marsal. Ce dernier ayant eu vent de l’intention de son épouse, il confie à un sorcier qui a le pouvoir de se métamorphoser en oiseau de proie le soin d’intercepter la missive. Celle-ci aboutit, par l’entremise d’une messagère, Griselda Saint-Bayard, entre les mains de Sin’Chin’, un professeur de l’École du col de la Forge. Il la dissimule dans un livre sans se douter qu’Elsie, une fillette espiègle, l’a vu faire.
Griselda meurt, victime d’une avalanche provoquée par le sorcier mais celui-ci n’ayant pas réussi à trouver la lettre, il s’attaque ensuite à Sin’Chin’. Un charme réduit l’enseignant à l’état de statue. Elsie est particulièrement désolée car il s’agissait de son professeur préféré. Elle est désormis la seule à connaître où est caché le message de la reine. Elle devra donc se défendre contre les attaques du sbire du roi et faire en sorte, avec l’aide de deux moines sympatiques, Illo et Terenze, que la lettre parvienne jusqu’au pape. Animée par le désir de venger Sin’Chin’ et Illo, qui est tombé sous les coups du sorcier pendant le voyage, elle fera tout en son pouvoir pour convaincre Bienheureux d’accéder à la demande de Pascuala.
Commentaires
Julie Martel est une auteure de fantastique épique conventionnel – et je ne dis pas cela dans un sens péjoratif. Elle ne cherche tout simplement pas à repousser les frontières du genre. Tout en respectant les règles, elle parvient à donner au lecteur une intrigue solide, ponctuée de plusieurs rebondissements, et aussi rigoureuse que dans un roman policier. Elle plante un décor convaincant qui laisse croire qu’elle en connaît un bout sur le Moyen Âge. Ses personnages sont fort bien dessinés. Julie Martel pousse l’honnêteté jusqu’à refuser de juger les croyances de personnes d’une autre époque. Certains auteurs ont tendance à considérer les valeurs du monde ancien qu’ils ont créé à travers le prisme de la pensée moderne. Ils vont même jusqu’à y introduire des notions et des principes actuels. C’est surtout évident dans des séries américaines telles que Xena ou Hercule. Martel refuse cette facilité, ses personnages acceptent leur monde tel qu’il est, ce qui est logique puisqu’ils n’en connaissent pas d’autres. Il y a bien l’héroïne, Elsie, tentée par la pratique de la magie malgré l’interdit et la menace d’une condamnation au bûcher mais il s’agit moins d’un geste de révolte de sa part que d’une manifestation de sa curiosité.
Ce roman, bien que destiné aux jeunes, est par endroits assez violent. Certains passages, comme celui où les deux religieux se retrouvent devant le cadavre de Griselda, donnent froid dans le dos. Il y a aussi le fait qu’Elsie désire férocement se venger du roi Marsal. Ce n’est pas le genre de scènes macabres ou de sentiments exacerbés que l’on rencontre habituellement dans des textes écrits pour la jeunesse. Julie Martel est réaliste, elle sait bien que les enfants connaissent la violence, ils la voient à la télévision, ils la côtoient même à l’école. Cela tient de la naïveté que de s’obstiner à leur offrir uniquement des histoires mièvres à la Walt Disney.
Au fond, le principal défaut de ce texte, c’est d’être trop court. L’auteure est parvenue à introduire une grande diversité d’éléments et de personnages dans un nombre plutôt restreint de pages. La Lettre de la reine pourrait aisément se transformer en un roman de trois ou quatre cents pages. J’éprouve la franche impression qu’elle s’est censurée, qu’elle a coupé pour ne pas dépasser le format que permet cette collection. Elle aurait pu cependant brouiller avec plus d’efficacité les pistes car on devine assez rapidement la culpabilité du directeur de l’École du col de la Forge.
Julie Martel fait partie de cette petite poignée d’écrivains québécois qui brandissent avec talent le flambeau du fantastique épique. C’est frustrant toutefois de penser que si elle était américaine ou britannique, elle serait probablement davantage connue et appréciée. Elle aurait également la possibilité d’offrir à ses lecteurs des œuvres plus volumineuses. [DJ]
- Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 110-112.
Références
- Diotte, Emmanuelle, Lurelu, vol. 22, n˚ 3, p. 42.