À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Monsieur Smile, homme d’affaires important, a perdu la vue. Un jour, un étranger lui propose une paire de lunettes miraculeuses. Monsieur Smile n’hésite pas. Tel que promis, il recouvre la vue. Sauf que le monde lui apparaît quelque peu modifié… Sa secrétaire a l’apparence d’un squelette vivant. Ce qui est fort contrariant. Et lorsque Monsieur Smile appelle son chauffeur pour visiter la ville qu’il n’a pas vue depuis si longtemps, c’est un corbillard qui vient à sa rencontre. Intrigué, il accepte le tour de ville. Il ne reconnaît rien. Quelle désolation ! Monsieur Smile se met en colère ; il s’en prend au chauffeur et à ce qui lui tombe sous la main. Mais tout s’effrite. Même ses vêtements tombent en poussière. Lorsqu’enfin il retrouve sa maison, Monsieur Smile y entre pour réaliser qu’il est dans son cercueil.
Commentaires
Ce conte de Roch Carrier tient du fantastique dans la mesure où ce qui s’y déroule défie toutes les lois de la logique. Les thèmes abordés (vision altérée de la réalité, mort) s’apparentent au genre et le personnage s’avère impuissant. Avec ses nouvelles lunettes, l’homme d’affaires pénètre un univers autre, insolite, propre au monde du rêve (cauchemar). En fait, Monsieur Smile voit au-delà de la réalité du présent. Son regard traverse les choses et les êtres. C’est comme si les lunettes avaient la propriété de rendre compte de la destinée ultime. Lorsque l’homme comprend qu’il n’a aucun pouvoir sur ce qui l’entoure, que les scènes de désolation s’enchaînent les unes aux autres, c’est la révolte. Et la colère « l’aveugle ». Au point où il ne voit plus l’évidence.
Roch Carrier prend plaisir à camper un décor qui se dérobe à l’entendement et un personnage qui tient de la caricature. Monsieur Smile porte un nom anglais (il est riche et contrôlant) ; le « Monsieur » fait ressortir son statut respectable. Quant au « smile », il réfère ironiquement à sa personnalité. Monsieur Smile ne sourit jamais et il ne tolère aucune contrariété. Son manque de vision le conduira d’ailleurs à sa perte. « Les Lunettes » se situe tout à fait dans la continuité de Jolis Deuils. Une bouffée d’air frais dans la littérature des années 1960. [RP]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 37-38.