À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Bâtie au début du XIXe siècle, la maison qu’on appelle maintenant “maudite” appartenait à un nommé Latran, un vaurien qui battait sa femme, passait son temps au cabaret ou à la chasse, avec ses semblables. L’épouse était une sainte femme et le fils Baptiste faisait la fierté de sa mère. Cependant, il tourna aussi mal que son père en vieillissant et écopa d’une sentence de sept ans pour vol. Sa mère mourut de chagrin.
Lorsqu’il revint au village au terme de son châtiment, Baptiste découvrit que la maison de son enfance était désormais habitée par d’autres, puis, se jetant dans un champ pour dormir à même la terre, se retrouva à côté d’un vieillard encore plus misérable que lui. Père et fils se reconnurent, le vieux déclarant qu’il avait maudit son fils, et le frappant au visage. Baptiste voulut l’étrangler, mais l’autre mourut avant, dans ses bras. Depuis, il reparaît enflammé devant sa maison, où l’on entend parfois gémissements et bruits de chaînes.
Commentaires
Comme c’est souvent le cas avec les contes publiés dans les journaux, la véritable identité de l’auteur n’est pas précisée. La première moitié est signée A. C., la suite parue une semaine plus tard est signée A. G. ; difficile d’établir où est la coquille.
Procédé fréquent aussi : l’ouverture anecdotique. Ici, le narrateur-rapporteur est un jeune homme qui passe un après-midi à pêcher avec le vieux Mathurin, le conteur. Il est d’abord question d’halieutique et d’amour. Puis, lorsque la barque passe en vue de la « maison maudite », le jeune homme demande l’histoire de ce surnom. Mathurin ne se fait pas prier.
Contrairement à Louis Fréchette ou à Joseph-Charles Taché, l’auteur de « La Maison maudite » n’a pas le souci de rendre le parler « canadien » de ses personnages, même pas par la bouche du conteur Mathurin.
Le récit lui-même a toutes les allures d’une histoire édifiante teintée de religiosité, et c’est seulement dans les derniers paragraphes qu’apparaît le fantastique surnaturel : un damné revenant hanter son ancienne demeure, « tenant des torches enflammées » dans ses mains et « vomissant le feu et la flamme par tout son corps ». Par la suite, certaines nuits, la maison paraît « toute illuminée et en feu, mais en approchant on ne voyait plus rien ». Les artifices du surnaturel sont décrits très lapidairement, comme accessoirement : il suffit d’établir un rapport avec l’enfer et le châtiment éternel d’un pécheur.
L’argument du récit est donc le même que dans la plupart des contes surnaturels québécois au XIXe siècle : le pécheur ruine sa propre vie et celle de ses proches, il subira en rétribution le châtiment de l’enfer (que ce soit dans l’au-delà ou, en guise d’avant-goût, par des tourments infligés par le diable sur terre même). [DS]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 94-95.