À propos de cette édition

Éditeur
Québec/Amérique
Titre et numéro de la collection
Deux continents
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
379
Lieu
Montréal
Année de parution
1990
ISBN
9782890375079
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Hunac, fils de marchand, s’éprend de la princesse Ixaquil. Cette idylle est exploitée à des fins politiques, et Hunac tue accidentellement le père de la princesse, qui les surprend au lit. Toute la famille d’Hunac est châtiée et le principal intéressé s’enfuit dans la jungle du Yucatan, où il a une expérience mystique. Il revient se constituer prisonnier, espérant que son sacrifice à Chac, le dieu de la pluie, mettra fin à la sécheresse qui accable son peuple. Il se libère toutefois de la pierre qui devait l’entraîner au fond du puits sacrificiel et, dans l’instant où il échappe à la noyade, le fantôme de sa fiancée Touloum lui révèle que ce n’est pas lui qui a tué Chac-Xib-Chac. Hunac n’a été qu’un pion dans un complot politique.

Émergeant du puits sacré, Hunac dénonce l’arriviste Jolom ; il prendra ensuite la tête d’une rébellion maya contre l’occupant toltèque et son culte sanguinaire. Après la mort de Jolom, Hunac monte sur le trône du Jaguar. Malgré des complots jusque chez ses alliés, il se maintiendra au pouvoir plus de trente ans, au terme desquels il se jettera à nouveau dans le puits sacré, mais délibérément cette fois, faisant échec à une ultime conspiration et assurant à ses descendants deux siècles de pouvoir.

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Commentaires

Ouvrage fort intéressant que celui-là, qui aborde l’histoire compliquée des peuples du Yucatan en l’émaillant d’épisodes surnaturels à saveur mystique. Du fait de la spécialisation du sujet, Vincent Chabot avait beaucoup d’informations à livrer. À vrai dire, plus d’informations mythologiques et archéologiques que de fiction. Il n’a pu éviter d’en véhiculer une bonne partie par des dialogues explicatifs. Lorsqu’un auteur choisit cette solution, l’effet est toujours le même, on obtient quelque chose d’artificiel : dans la vraie vie, les gens ne s’échangent pas des résumés, style Vous n’êtes pas sans savoir que…, ou alors ils se font répondre « Je sais très bien tout cela, trancha le gouverneur sur un ton impatient. » (p. 30). L’auteur a parfois créé des situations où l’échange d’informations trouvait meilleur prétexte dans l’intrigue, mais le résultat reste le même : des dialogues informatifs, des phrases très construites (comme elles doivent l’être dans un exposé), parfois dans la bouche de personnages dont la condition semble peu compatible avec une telle culture. Une conférence de huit pages sur les origines du peuple Toltèque, par exemple (chapitre 10), aurait très bien pu être prise en charge par le narrateur au lieu d’être mise dans la bouche de la princesse Ixaquil – ce qui l’aurait dispensée, autochtone du treizième siècle, de prononcer des paroles comme « Groenland », « syncrétisme religieux » ou « en renforçant l’identification du dieu solaire maya au Jaguar céleste » (p. 133). Il aurait fallu expliquer à l’auteur les vertus du dialogue indirect, où la narration dispense les personnages de certains actes contre-nature, tel l’usage du passé simple pour faire le long récit de ce qui leur est advenu dans les jours précédents.

Un problème de même nature affecte le discours des prêtres, prêtresses, princes et seigneurs : ils parlent de leurs anciens et nouveaux dieux avec un détachement propre aux spécialistes du vingtième siècle. En réalité, des prêtres d’un culte n’auraient pas eu la distanciation suffisante pour en analyser et en commenter l’évolution, la signification socioculturelle, etc. C’est un langage d’historien des mentalités et des religions. De même, les chefs ont un sens géopolitique trop poussé pour être vraisemblable ; leur analyse est celle d’un historien décrivant a posteriori les mouvements de populations, la montée et le déclin des royaumes. Ainsi, notre modeste fils de marchand, devenu malgré lui chef d’une insurrection, parle d’une « intégration de toutes les ethnies et tribus de l’empire, non plus autour d’un pouvoir militariste brutal et conquérant ou d’une religion unique et exclusive, mais bien plutôt autour d’une vision nouvelle de la société ; une pensée égalitaire et tolérante qui s’éloignera aussi bien de l’éthique conquérante des Toltèques que des formes décadentes de certains cultes religieux actuellement à l’honneur. » (p. 284) Et il y en a des paragraphes entiers. Je sais bien que SF et fantastique exigent une suspension temporaire du scepticisme, mais à ce point… ?

Je sais combien il est difficile de renoncer à livrer les connaissances qu’on a recueillies en préparation d’un roman, difficile d’échapper au piège du didactisme. Avec le Maître de Chichen Itza, Chabot a été contraint de choisir entre l’ouvrage documentaire et le roman. Liste des dieux, annales, lexique, cartes et autres annexes montrent bien qu’il n’a pu se résoudre à faire un choix ; l’œuvre qui en résulte est à cheval entre les deux et, par conséquent, n’est qu’un demi-succès sur le plan de la fiction. Certes, les connaissances sont livrées sans pédanterie, quelquefois par l’artifice du rêve ou de la révélation mystique, mais il reste que certains chapitres (par exemple le treizième, sur le jeu de pok-a-lok) n’ont même pas le prétexte de faire progresser l’intrigue.

Quant à la fiction, elle est intéressante en soi. La civilisation du Mexique aurait reçu des contributions déterminantes des Égyptiens venus en Amérique grâce à des navigateurs phéniciens, des Vikings venus du Groenland, et peut-être même (mais c’est beaucoup moins clair) d’un extraterrestre. Aux deux tiers du récit, l’intrigue (dont quelques indices avaient été semés dans les premiers chapitres) prend vraiment son envol. Mais c’est un vol alourdi par le souci pédagogique : le lecteur qui aura traversé ce roman saura tout sur l’histoire yucatane du treizième siècle – qu’il le veuille ou non.

Un bon livre en soi mais, hélas, pas vraiment un bon roman. [DS]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 47-49.

Références

  • Laberge, Yves, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VIII, p. 527.