À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Maldoror, une créature vivante ayant apparence humaine, se promène dans les allées du parc Frognier, en Norvège. Arrivé devant une colonne constituée d’une multitude de corps superposés, l’être protéiforme est pris d’un soudain désir à la vue de ces sexes et de ces anus qui s’offrent à lui. Il se métamorphose alors en poulpe pour étreindre cette indécente sculpture et connaît un orgasme démultiplié.
Commentaires
Ce texte court, bref comme un orgasme justement, paraît dans un numéro d’XYZ consacré au thème de l’étreinte. Il n’y a rien à redire sous ce rapport, le texte de Chabin répond à la commande.
Je ne connais pas l’œuvre du sculpteur Vigeland dont il est fait mention ici, mais sa description nous donne à penser qu’il s’agit là d’une métaphore de la condition humaine et d’une illustration cynique de la loi de la jungle qui prévaut en société. « Ceux d’en haut écrasent ceux d’en bas sous leur poids, les plus vigoureux – ou les plus sournois – tentent de se dégager et d’escalader à leur tour cet Olympe au sommet duquel seuls les plus vicieux peuvent se maintenir. »
C’est par ce cynisme que Chabin rejoint l’œuvre de Lautréamont, Les Chants de Maldoror, à qui il rend un hommage littéraire. Comme la prose d’Isidore Ducasse, l’écriture de Chabin, en convoquant la puissance démesurée des divinités et l’expression débridée des fantasmes de l’inconscient, se fait porteuse d’une révolte qui traduit avec morgue l’urgence de s’affranchir de la simple humanité.
D’une certaine façon, le monstre de Chabin rappelle le nautile imaginé par Esther Rochon dans son magnifique roman Coquillage, mais celui-ci avait une conscience et une sensibilité qui semblent totalement étrangères à Maldoror, davantage guidé par ses instincts que par ses sentiments (s’il en a). Il y a chez Chabin une volonté manifeste de renouer avec les forces primitives, de transgresser en toute impunité les tabous sociaux et de se rire de la pauvre condition humaine. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 269-270.