À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un bureau recèle, dans un tiroir dissimulé grâce à un ingénieux procédé, un objet que nul ne peut toucher ni voir. Le meuble, qui a, par sa forme et ses décorations, l’allure d’un manoir, ensorcelle ainsi ses propriétaires successifs. Même le narrateur qui vient tout juste, pourtant, d’en faire l’acquisition dans un encan montre déjà des symptômes de l’obsession. Bien qu’il soit un maniaque de la méthode et de l’ordre, de la raison et de l’objectivité, on sent la folie à l’affût, on devine les premiers signes de la déraison qui s’installe.
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Commentaires
Il faut replacer cette nouvelle dans son contexte d’origine pour mieux en comprendre l’intérêt. « Le Manoir de la taupinière » paraît d’abord en 1976 dans un recueil dont chaque texte est consacré à un objet, à une machine ou à un dispositif, La Manufacture de machines. Ici, l’objet du récit, c’est ce bureau et le mystère qu’il renferme, qu’il cache, mystère à la poursuite duquel se perdent ses propriétaires. Le « manoir », c’est aussi la tanière d’une taupe, le repaire d’une présence intrigante, d’un être invisible autrement qu’en peinture, mais qui fait pourtant sentir sa présence.
On est bien loin de l’horreur cependant. Tout est suggéré plutôt que dit, on sent se fissurer la surface de la réalité avant que ça craque, les choses sont évoquées plutôt que montrées. Le fantastique est minimal comme dans « Le Horla » où l’altérité, la monstruosité sont entr’aperçues. Le découpage du récit en plans cinématographiques de même que les descriptions minutieuses et objectives font songer au nouveau roman, ce qui produit un drôle de mélange Maupassant–Robbe-Grillet. Prestigieuses références, direz-vous ? Oui, de grosses pointures en effet, mais Hébert se montre à la hauteur des comparaisons. Il exécute un vrai travail d’orfèvre et il s’en tire une main dans le dos, ou presque : le lecteur a l’impression d’assister à la création d’une œuvre en direct tellement on sent l’écrivain comme un metteur en scène derrière le personnage. On dirait même qu’il en profite pour se donner en spectacle.
Comme le style qu’il a choisi lui interdit le drame, la fantaisie et les effets faciles, l’auteur produit un objet ciselé, qui brille, mais qui laisse un peu froid, surtout que la fin vient diffuser de manière à peine perceptible des effluves de désespoir dans une histoire qui, elle, tourne au dérisoire. [RG]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 98-99.