Mat

Convié par le baron de Morneterre, grand amateur d’échecs, le comte Friedrich Von Schoem accepte l’invitation. Le baron lui propose la partie ultime grâce à un jeu spécial et magique, aux figurines étranges et grotesques. Il amène le comte à une tour secrète où, sous la menace d’une arme, il l’enchaîne devant le jeu. La partie s’engage. À chaque pièce perdue, le joueur vit d’intenses instants de cauchemar. À mesure que la partie avance, les corps des joueurs dégénèrent, se putréfient, se couvrent de plaies. Quand on trouve les restes des deux hommes, la masse de chair qu’est devenu Friedrich Von Schoem prononce le mot MAT. Le survivant est brûlé par la populace ainsi que son jeu d’échecs maudit.

Après un début qui pouvait d’abord inquiéter, on assiste à une rapide reprise qui aborde le thème de l’objet magique. Dans ce cas, un échiquier. L’idée n’est pas nouvelle (quelle idée l’est ?) mais le traitement demeure adéquat. Lecture un peu périlleuse à cause de la contrainte choisie (un conte plutôt qu’une nouvelle) et de la langue adoptée. Nous avons affaire là à un récit gothique ancien, de ceux qui auraient pu servir de modèle à Radcliffe et à Hoffman, à forte saveur infernale. Mais est-il besoin d’ajouter que l’infernal n’est guère pris au sérieux, de nos jours, par les écrivains ? Martin Bellefeuille ne fait pas exception à la règle. L’humour qui pervertit l’ensemble du texte tient à l’esprit du conteur, non à la nature des événements. Bellefeuille a-t-il été sage de choisir un mode plaisant pour présenter des choses déplaisantes ? C’est ce que les lecteurs décideront. Chose certaine, il ne peut plus répéter l’expérience. [GS]

• Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 19-20.