À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Plusieurs voyageurs roulent dans un autobus depuis le matin, sur une route déserte, de plus en plus dénuée de végétation. Après une journée et demie à avancer sur ce chemin étroit, les enfants – dont certains ont deux rangées de dents – commencent à avoir faim. Quelques-uns décident de manger leur mère. Les jours continuent de s’enchaîner, succédant à la nuit. Les passagers descendent de l’autobus lorsque l’essence vient à manquer. Plusieurs suivent le soleil, alors que les autres, en compagnie de leur enfant affamé, entendent les plaintes des marcheurs résonner dans le lointain.
Commentaires
« Maternité dans le désert » est une nouvelle très brève, qui compte une page et demie. Charlotte Lemieux réussit adroitement à instaurer une ambiance énigmatique en quelques lignes, notamment par l’utilisation de la répétition. L’adjectif « étroit », qui désigne la route, est ainsi martelé à quatre reprises, créant un effet lancinant. L’atmosphère est donc au premier plan dans ce texte au fil narratif ténu, dont plusieurs questions demeurent en suspens, invitant à la relecture. Comme l’univers dépeint par l’auteure est fascinant, on se laisse porter sans déplaisir, à l’instar de ces voyageurs aux dents aiguisées, le temps d’une étrange balade dans l’autobus.
Les éléments fantastiques sont pour leur part assez métaphoriques, telle cette mère dont la peau glisse comme une « main qui sortirait d’un gant » afin qu’elle puisse être dévorée par ses enfants, ou encore cette poussière que produiraient les passagers à mesure que le temps s’enfuit.
La nouvelle se démarque surtout par son style empreint de poésie, comme dans cet extrait qui est à mon sens le point culminant du texte : « La nuit nous attendons le jour, et le jour nous espérons la nuit, mais ni le jour ni le soir n’arrivent à vaincre notre peur quand la terre s’enchaîne au silence, et que nous tentons d’allumer avec nos doigts secs le feu de glace qui, paraît-il, brûle dans le cœur des ermites ».
Bref, « Maternité dans le désert » est une histoire que l’on lira surtout pour son ambiance et pour se laisser porter par son étrangeté, en voyageant nous aussi, le temps de quelques lignes, sur cet étroit chemin près duquel le soleil ondoie. [AG]
- Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 126.