À propos de cette édition

Éditeur
Paulines
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 62
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
132
Lieu
Montréal
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

La tension est à son comble entre les deux superpuissances et ce que tout le monde craignait arrive : la guerre nucléaire totale. Québec est complète­ment détruite. Dans le sous-sol antinucléaire que ses parents ont aménagé sous leur chalet dans les Laurentides, Daniel ne comprend pas ce qui se passe au tout début. Mais la réalité le rattrape au fil des jours : il est seul, ses parents ne reviendront pas. Suit une longue année d’enfermement. Heureusement, ses parents ont tout prévu pour survivre longtemps. Tout prévu, sauf l’ennui, la solitude. Il y a bien sûr Filou, le petit chien, mais…

Enfin, les appareils de l’abri signalent que le taux de radiation a suffisamment baissé pour pouvoir circuler avec une combinaison appropriée. Comme un cosmonaute, Daniel prépare son expédition. Filou s’échappera et ne survivra pas. Commence alors l’exploration… et les rencontres, car il y a des survivants. Tout d’abord Yves, qui a beaucoup souffert des radiations et du froid mais a survécu. Devenus amis, ils décident de partir vers Chicoutimi, pour voir si… Mais ce qu’ils crai­gnaient le plus arrive. Dans le parc, ils sont confrontés à une première tribu de survivants peu sympathiques à laquelle ils échapperont de justesse, non sans avoir perdu leur principal moyen de locomotion, la motocyclette. Sur le chemin du retour, Yves doit se battre avec un membre de la tribu de la Forêt de Montmorency qui les suivait pour trouver leur cachette. Yves et l’individu trouveront la mort lors de cette bagarre, et Daniel se retrouvera à nouveau seul, mais cette fois complètement démuni.

Blessé, affamé, Daniel continue sa route. Il rencontrera cette fois Martin le grand-père et Lise, une jeune fille de son âge. Il sait alors qu’il a trouvé sa nouvelle famille. Mais il faut plus de vivres pour passer le terrible hiver qui se prépare. Daniel retourne à son abri sur une bicyclette bringue­balante, recueille médicaments et nourriture, rencontre à nouveau des rescapés, tantôt sympathiques, tantôt troublants. De retour chez Martin, il trouve le refuge envahi par un “curé” et son “troupeau”. Ne pouvant blairer le profiteur qui se fait passer pour un homme de Dieu, Martin convainc ses deux amis de s’enfuir pour se fixer définitivement au chalet de Daniel.

Commentaires

Premier roman d’un enseignant de la région de Québec, La Mémoire des hommes traite d’un sujet excessivement difficile : le post-cataclysme nucléaire. Difficile, d’abord, parce qu’il implique automatiquement des scènes de désolation affreuses, des situations pénibles, la peur, la faim et la misère. Rien de trop attirant pour un lecteur adolescent, on s’en doute ! Difficile aussi parce que ce thème, en science-fiction adulte, a été utilisé à presque toutes les sauces. Ne pas répéter la énième version soporifique de tel ou tel roman déjà paru s’avère donc délicat.

Je ne sais pas si l’auteur a une grande culture SF ou s’il s’agit d’un coup de chance mais, faut-il l’avouer, Jean-Michel Lienhardt réussit à contour­ner tous les écueils. Non seulement son roman est original – ne serait-ce que parce qu’il place l’action dans la région de Québec ! – mais encore, il évite les poncifs et les clichés du thème en faisant passer la majorité des descriptions par les yeux d’un jeune.

Bien sûr, l’action, elle, n’a rien d’original. Les inévitables rencontres avec des rescapés, tour à tour bons et méchants, forment le corps du récit. On cause un peu, fait un bout de chemin ensemble, se fait attraper par les méchants pour finalement voir le héros de l’histoire s’en sortir, etc., etc. Mais les jeunes lecteurs, heureusement, ne sont pas encore blasés par ce schéma, et c’est ce qui compte. Et puis, l’auteur parsème son livre de belles réflexions, comme celle-ci, à la page 19, alors que le jeune Daniel guette, par le truchement des caméras de l’abri, le passage de quelqu’un : « Dehors, rien ne bougeait. Pas trace de survivants. S’il y avait des vainqueurs, ils n’arrivaient pas vite. » Le titre du roman montre bien le sentiment qui habitait l’auteur lors de sa rédaction : La Mémoire des hommes, le témoignage d’un homme ajoutant sa petite pierre à l’édifice de protestations contre la folie des Hommes, ou plutôt de leurs dirigeants, qui empilent bombes par-dessus bombes en croyant dur comme fer qu’ils ne s’en serviront jamais, témoignage désespéré d’un pacifiste ne pouvant com­prendre la pulsion guerrière de ses semblables, ne pouvant comprendre qu’avec toutes les atrocités qui encombrent l’Histoire depuis le début des temps, les Hommes ne se décident enfin à se souvenir pour de bon, à apprendre des erreurs de leurs pères.

Si l’écriture m’est apparue convenable, suffisamment simple et efficace pour un public adolescent sans nécessairement tomber dans l’abécédaire primitif de certains autres écrivains, je me dois de souligner quelques petits accrocs à la vraisemblance. Ainsi, cet abri antinucléaire sophistiqué qui se voit privé de sas – Daniel ne veut pas laisser entrer Filou dans l’abri, le disant contaminé, pourtant il y entre lui-même revêtu de sa combinaison ! –, ou cette première sortie où le petit Filou trouve justement trop rapide­ment la mort alors que des gens comme Yves et quelques autres survivent, difficilement peut-être, mais survivent quand même, tout en ayant été exposés à l’environnement dénaturé depuis le tout début de la catastrophe. Cette histoire de combinaison aussi m’agace beaucoup, d’autant plus qu’après l’avoir perdue, Daniel ne manifeste aucun signe d’embarras face à son envi­ronnement. Aurait-elle donc été complètement inutile ? Autant de petits détails qui, s’ils n’affecteront pas vraiment le plaisir de lecture du public visé, accrochent le lecteur averti que je suis.

Mais, à tout prendre, on peut conclure que La Mémoire des hommes est un bon premier roman et qu’il nous fait entrevoir de beaux espoirs pour la suite de la carrière d’écrivain de Jean-Michel Lienhardt. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 95-97.

Références

  • Boivin, Jean-François, Québec français 71, p. 94.
  • Le Brun, Claire, imagine… 45, p. 89.
  • Maurel, Dominique, Nos livres, octobree 1988, p. 28-29.
  • Meynard, Yves, Samizdat 16, p. 39-40.
  • Pelletier, Francine, Solaris 79, p. 22-23.
  • Vinet, Isabelle, Lurelu, vol. 11, n˚ 3, p. 10-11.