À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
À l’encontre des conseils qu’on lui a donnés, une femme s’aventure dans la lande du Yorkshire pour cueillir une gerbe de bruyère et s’enlise dans la fange. Nulle âme qui vive pour lui porter secours. La nuit venue, des hommes muets viennent la sauver d’une mort certaine en la transportant dans une grotte. Au matin, elle se réveille au bord de la route, dans des vêtements secs qui ne sont pas les siens.
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Commentaires
Considérées isolément, les nouvelles de Christiane Lahaie apparaissent banales, peu mémorables ou spectaculaires. Les expériences fantastiques des protagonistes se situent toujours aux confins du rêve, à la faveur de la nuit ou/et d’une brume épaisse, des clichés ici pleinement assumés. Il y a cependant un projet d’écriture derrière le recueil Insulaires qui tient au fait que les récits ont pour cadre les îles britanniques et livrent une conception douce-amère de la vie.
En outre, quand on analyse l’ensemble du recueil, on trouve des motifs récurrents, des points de convergence entre les nouvelles qui ajoutent à la compréhension des textes. Ainsi, l’image d’une seconde naissance sera reprise avec variante dans « Monks of Melrose ». Dans la présente nouvelle, la femme est introduite dans « une grotte aux murs phosphorescents et dont le suintement dégageait une odeur fétide et douceâtre, comparable à celle d’une source au printemps ». L’expérience n’est pas désagréable et la femme se dénude sans gêne ou malaise, pareille à un nouveau-né.
Autre motif récurrent : il y a souvent deux protagonistes qui représentent le même personnage à des âges différents (le fugueur et le privé dans « Down and Out in Edinburgh », les deux couples dans « Inverness Eros », le vieux préfigurant ce que deviendra le jeune couple après 30 ou 40 ans de mariage).
Le fantastique de Christiane Lahaie tient bien souvent à une question de perception. « Men of the Moors », à l’écriture poétique affirmée, en est l’illustration parfaite, si bien que le recueil ne contient que trois nouvelles vraiment fantastiques. Les autres cultivent davantage le mystère et utilisent parfois les codes du polar en explorant la complexité des relations humaines. Ces destins modestes, ces tranches de vie ordinaires acquièrent une portée universelle malgré la prégnance des lieux décrits. Cette volonté d’inscrire un territoire précisément circonscrit dans l’imaginaire rappelle la démarche, une vingtaine d’années plus tôt, de Michel Bélil dans Le Mangeur de livres. Cependant, le fantastique de Lahaie est bienveillant et régénérateur là où celui de Bélil, ancré dans l’île de Terre-Neuve, était plutôt terrifiant et porteur de mort. [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 109.