À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Le docteur Mortimer Asley est retrouvé mort asphyxié dans sa maison. Les notes qu’il a laissées rendent compte des événements qui ont précédé son trépas. Après avoir pratiqué un avortement illégal, il a reçu la visite d’une vieille femme, la grand-mère de sa patiente, qui lui a jeté un sort en répandant sur lui la cendre de son cigare. Au cours des mois qui ont suivi, il a été assailli de cauchemars et par la cendre qui s’en est pris à lui avec de plus en plus d’agressivité.
Commentaires
La nouvelle de Denis Marcotte commence comme un récit d’enquête policière avec un inspecteur de la Sûreté du Québec, Vadeboncœur, qui tente d’élucider la mort étrange du docteur Asley. La majeure partie de la nouvelle, toutefois, est occupée par les notes manuscrites du médecin qui raconte la malédiction qui l’accable depuis qu’il a réalisé un avortement contre le gré d’une jeune fille, après que celle-ci a changé d’idée.
La nuance est importante car la malédiction dont il se dit victime, à la suite de la visite d’une vieille femme à l’allure d’une sorcière, a valeur de sanction morale. On ne peut en effet faire abstraction de la portée religieuse du sort que lui jette la femme car la cendre qui poursuit le docteur renvoie explicitement au mercredi des Cendres, autrefois un temps fort du calendrier chrétien. Cette évocation donne à la nouvelle de Marcotte une couleur qui rappelle les contes fantastiques du XIXe siècle même si le récit se déroule en 1992.
Par ailleurs, en insistant sur le fait que le docteur a passé outre à la volonté de la jeune fille enceinte – sa véritable faute professionnelle – plutôt que sur les nombreux avortements illégaux qu’il a déjà effectués pour l’argent et non par empathie pour ses patientes, l’auteur élude ainsi discrètement un débat sur l’avortement dans lequel il ne veut visiblement pas s’engager.
Il est évident, à mesure que progresse le récit, que le docteur Asley n’est pas fou ou sujet à des hallucinations. Les événements étranges se multiplient : visite de la vieille femme au cabinet du médecin sans que personne ne l’ait vue, odeur persistante de cigare, convergence de la cendre vers la victime, etc. On est vraiment ici dans une histoire de morale chrétienne qui culmine avec la mort d’Asley un mercredi des Cendres…
L’enchâssement du récit de la victime est judicieux dans le contexte et permet à l’auteur d’opposer le côté rationnel du policier, qui demeure inébranlable même à la suite de la lecture du manuscrit, aux manifestations inexplicables décrites par le docteur. Cependant, on peut reprocher au récit de ce dernier d’être trop maîtrisé, trop organisé pour quelqu’un en proie à l’angoisse et la fatigue, d’autant qu’il est rédigé la veille de sa mort. Il y a là un manque flagrant de crédibilité.
À un troisième ou quatrième niveau, les militants antitabac verront dans la nouvelle de Denis Marcotte une charge contre le tabac car, rappelons-nous, tout a commencé avec la cendre d’un cigare répandue sur le pantalon du docteur ! [CJ]
- Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 126-127.