À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Une nuit, l’oncle du narrateur entend sonner la cloche de l’église de L’Islet, laquelle est illuminée comme par des flammes. Il entre : nul incendie, mais six cierges sur l’autel et un prêtre décapité s’apprêtant à célébrer la messe. Du geste, l’ecclésiastique l’invite à servir sa messe, mais l’oncle tente de s’enfuir. Cependant, toutes les portes sont fermées et il doit attendre le matin, seul, dans l’église redevenue obscure et déserte. Ayant raconté son aventure au curé, l’oncle revient le lendemain soir et, après que le prêtre sans tête ait fait son entrée, il accepte cette fois le rôle de servant de messe. La cérémonie a lieu, l’église s’illumine, chœur et orgue se font entendre. À la fin de la messe, le visage du prêtre reparaît, radieux : il a enfin expié son offense d’avoir dit une messe distraitement et peut monter au ciel.
Commentaires
« La Messe de minuit » présente ici un autre cas d’expiation, motif généralement lié au thème du revenant. Cette fois, le fautif est un prêtre, et son offense a été de prendre son rôle sacré à la légère. Sa peine : attendre qu’un brave accepte de servir une messe à ses côtés. Il patientera cinquante ans, comme l’avare d’Honoré Beaugrand. Pas étonnant : qui ne s’enfuirait pas devant ces manifestations surnaturelles ? Éclairage ardent, cierges s’allumant tout seuls, et surtout cette absence de tête : « … à la place du visage il avait un nuage léger, quelque chose de gris… enfin comme une trace de fumée ou d’encens ». Pourquoi cette particularité ? Ce serait un peu poussé d’avancer que, ayant de son vivant agi comme un écervelé, le prêtre est condamné à revenir sans tête.
Ce serait toutefois conforme à un humour qui domine ce curieux récit en alexandrins, aux rimes tour à tour embrassées et croisées. Les images d’épouvante sont traitées avec désinvolture : « Ce prêtre… portait une chasuble / du plus beau violet. Rarement on s’affuble / aussi bien sans sa tête ». Ou encore : « S’il fallait en vouloir / à tous les gens que l’on voit ayant perdu la tête / on n’aurait plus d’amis, et ce serait trop bête ».
Dans « La Messe de minuit », on ne précise aucune date et les apparitions du revenant ne semblent pas limitées à une par année. Louis Fréchette a donné une variante de ce conte avec « La Messe du revenant » où l’apparition du prêtre sans tête a lieu chaque nuit des Morts et où il est précisé que le curé fautif avait eu de mauvaises pensées en disant sa messe, ce qui pourrait être une autre raison de le priver de sa tête, pour ses retours expiatoires, la tête étant le siège des pensées… [DS]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 56-57.