À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un immense complexe stellaire surnommé le Limax se dirige vers Capella qu’il atteindra dans quelques siècles. Le but du voyage ? Placer en orbite le "seuil" ou l’Aurige qui permettra aux vaisseaux le passage instantané d’une étoile à l’autre. Un réseau informatique, dont une des composantes est un corps humain, est seul responsable du Limax. Au fil des décennies, le corps/machine s’interroge sur le temps et la vie, la solitude se faisant de plus en plus lourdement sentir. Le corps humain, vieilli, décide d’éveiller son clone adolescent plus tôt que prévu.
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Cette nouvelle de Daniel Sernine a été publiée dans le numéro thématique Science et technologie de la revue imagine… Réflexions philosophiques et descriptions des particularités physiques (humaines) et techniques (informatiques) du vaisseau alternent dans ce récit, puis s’emmêlent délicatement. Le lecteur assiste à la lente transformation du corps lié à la machine. Car la partie humaine du Limax est affectée par le passage du temps : le corps vieillira jusqu’à être remplacé par une copie plus jeune. Mais ce xième corps de Limax semble prendre plus vivement conscience du temps et de la solitude. Des souvenirs refont surface, en rêve, et des désirs surgissent. L’oscillation entre la sérénité et le désespoir serait-elle le signe d’un dérèglement profond du grand corps informatique ?
Sur le plan narratif, l’auteur a bien su explorer les possibilités offertes par l’idée d’un corps/machine. Le JE double est omniprésent. Dès le début du texte, l’affirmation est double : « Je suis un seuil, un seuil stellaire : mon cylindre massif, ouvert aux deux bouts, serait assez vaste pour engloutir un petit astéroïde. Je suis un homme, mince, un mètre soixante, et je puis me glisser dans les conduits les plus étroits. »
Le réseau informatique peut ainsi observer l’homme au repos, l’homme au travail ou, ce qui fascine davantage, l’homme se sachant observer. Il arrive aussi que le « petit corps beige » se coupe de tout stimulus étranger à ses propres perceptions et ressente avec bonheur « l’uniprésence ». Mais le JE finit toujours par réintégrer son double : « un moi-même omniprésent, des kilomètres cubes de moi-même, avec un menu moi-même de chair trottinant au milieu de tout cela. »
Le rythme de « Métal qui songe » (un très beau titre qui rappelle évidemment le célèbre Cristal qui songe de Theodore Sturgeon) est très lent, reproduisant ainsi le lent passage du temps, l’horrible sentiment d’éternité qui empoigne le "personnage". La nouvelle se compose de quatre parties, elles-mêmes subdivisées en courtes sections, véritables petits morceaux de pensée. Comme si l’auteur proposait les instantanés d’un long voyage interstellaire, choisissant les scènes-clés de la prise de conscience progressive du corps/machine.
« Métal qui songe » est un texte remarquable et ce, à tous les niveaux. Les deux grands thèmes (rapports homme/machine, rapports avec le temps) sont traités avec intelligence et sensibilité, le découpage du récit et l’écriture recréant très bien l’atmosphère singulière de songe éternel et d’errance intersidérale. [RP]
- Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 192-193.