À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un hélicoptère du porte-avions U.S.S. Lincoln s’abîme dans le détroit de Béring avec une charge nucléaire. On décide de la faire exploser à distance, l’engin étant impossible à récupérer à une telle profondeur. Cinq jours plus tard, on perd contact avec le porte-avions. Un officier enquêteur, McCarthy, est envoyé en mission et se pose en hélicoptère sur le pont du Lincoln.
Au terme d’une enquête de trois jours, il établira comment le vaisseau a été pris d’assaut par des créatures marines inconnues, qui ont massacré l’équipage jusqu’au dernier homme, apparemment pour venger l’hécatombe qu’a causé parmi elles l’explosion sous-marine. McCarthy échappera de justesse aux créatures lovecraftiennes et incendiera le porte-avions, mais apercevra au dernier instant les tentacules d’un monstre gigantesque qui engloutira le U.S.S. Lincoln.
Commentaires
« La Mission » aurait pu être un excellent remake des récits marins de Hodgson ou de Lovecraft, mais la nouvelle prend l’eau, torpillée par les problèmes de narration et les invraisemblances grossières qu’a laissé passer la direction littéraire. La narration est alignée sur McCarthy, personnage témoin, personnage enquêteur, mais elle est souvent omnisciente. Elle affirme des choses que McCarthy ne pourrait savoir : des hypothèses quant aux bruits de pas entendus à bord du porte-avions pendant son inspection des lieux, ou quant aux motivations des envahisseurs du Lincoln. Cela a pour effet de désamorcer le suspense dans une bonne mesure. Bénéficiant d’une liaison directe avec un narrateur omniscient, McCarthy n’a pas tellement d’incertitudes sur la façon dont les choses se sont passées. Pourtant, paradoxalement, en trois jours, il ne comprendra pas ce que le lecteur a deviné dès les premières pages.
Par ailleurs, les prémices et le déroulement de l’histoire sont invraisemblables. Un porte-avions complet ne répond plus, désemparé, au large de la Russie, et on n’envoie qu’un enquêteur en mission de reconnaissance, cinq jours après le début de ses difficultés ? Et cet officier, ayant constaté la mort ou la disparition de plusieurs centaines de marins, dort sur place deux nuits pendant son enquête, entouré de cadavres mutilés dans les coursives ensanglantées ? (« Il éteignit finalement la lampe et chercha le sommeil pour oublier ses problèmes jusqu’au lendemain » – p. 48, je souligne). Et il laisse passer des journées entières entre la lecture de chaque tranche des journaux de bord, résultats d’analyses et enregistrements sonores, comme pour faire durer le plaisir de la découverte. Entre-temps, ses supérieurs ne l’appellent pas une seule fois pour voir s’il aurait des nouvelles à leur communiquer au sujet de ce porte-avions perdu !
Et ne parlons pas du fait qu’aucun officier à bord n’ait alerté l’amirauté pendant les heures qu’a dû durer l’abordage – abordage par des créatures capables de percer des cloisons métalliques, de défoncer des portes d’acier, et apparemment invulnérables aux armes à feu ! On penserait pourtant que les officiers du Lincoln auraient fait part d’un assaut aussi inusité à leurs supérieurs !
À côté de cela, les problèmes d’écriture paraissent mineurs. Dans une narration très froide et factuelle, quelques mots prétentieux détonnent : « thalassarque » – roi des mers, on présume – pour désigner le porte-avions, « fruits de feu » pour les grenades sous-marines. La description des créatures marines est détaillée, avec mensurations en centimètres et force qualificatifs du genre « monstrueux », après lesquels on sourit en lisant « disgracieux » pour désigner les barbillons qui entourent leur gueule. [DS]
- Source : L'ASFFQ 1992, Alire, p. 119-120.