À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Constance, une aspirante, n’a pas grand méfait à rapporter lors de l’assemblée mensuelle des sorcières. Ses mauvais coups n’impressionnent personne. La Grande Sorcière lui accorde une dernière chance : accomplir quelque chose d’authentiquement méchant dans un village « du passé », Beaubourg, au bord du Grand Fleuve. Constance conçoit le plan d’y imposer un hiver sans fin, mais il s’avère que c’est une petite « Indienne », Élise, qui lui a glissé cette idée à son insu.
À Beaubourg, avril, mai et juin se suivent sous un épais manteau de neige. Le fleuve est gelé, les activités normales – comme la pêche – sont compromises, y compris chez un artisan exceptionnellement doué, fabricant de voiles, le père d’Ariane. Celui-ci, désœuvré, raconte à son épouse le secret qui a fait de lui et de ses ancêtres masculins les plus habiles tisseurs de voiles. Ce talent vient des Vieux Pays, du fou d’un village dont les voiles colorées donnèrent à ses concitoyens casaniers le goût de l’aventure, ce qui les mena au Nouveau Monde où ils fondèrent Beaubourg. L’artisan décide de briser la tradition et de transmettre son art, non pas à un fils – qu’il n’a pas – mais à sa fille Ariane, qui y excelle instantanément.
Cela réjouit son amie Élise, l’Amérindienne qui a orchestré cette prolongation d’hiver, source de grands changements. Mais cela ne fait guère l’affaire de l’apprentie sorcière, qui espérait causer des malheurs par ce dérèglement des saisons. Constance repart fâchée, et l’été arrive en quelques heures.
La nuit venue, Constance retournée à son époque se dirige vers l’assemblée des sorcières. Le narrateur intervient, lui transmet un secret que lui a confié Élise. À la faveur d’une éclipse lunaire, Constance, qui finalement a plutôt l’étoffe d’une fée, annonce aux sorcières la fin de leur règne maléfique, de leur existence même, et cela s’accomplit.
Commentaires
Le récit est livré par un narrateur incarné, qui fait régulièrement allusion à sa propre présence comme observateur des faits, mais un observateur invisible à tous hormis Élise et, à la toute fin, « son amie Constance ». Ce narrateur s’avère, en fait, être un lecteur, qui entre et sort des histoires qu’il lit, interagit avec certains personnages, participe au dénouement. Le prologue (de manière sibylline) et l’épilogue établissent ce cadre.
L’ambiance et la matière sont parfois celles du conte. Décousue, l’histoire part dans plusieurs directions, semant de belles idées dont une ou deux auraient mérité développement. C’est surtout le choix narratif qui a laissé sceptique ce critique-ci : celui d’un narrateur interventionniste qui par ailleurs se dit plutôt lecteur. Un lecteur si passionné qu’il entre dans l’histoire, transposition littérale de l’expression courante. On en a connu des variantes où le joueur était happé dans un jeu vidéo, le spectateur aspiré dans un film.
En quatrième de couverture, ce mini-roman pour les 8-10 ans était coté « bon lecteur » par l’éditeur. Sans doute à cause d’un vocabulaire relativement riche, mais surtout par cette mise en abyme : récit dans le récit, lui-même donné comme une histoire lue par celui qui nous la raconte. Je ne suis pas sûr que le jeune lecteur aura saisi. Non pour cause de complexité, mais plus en raison du caractère brouillon de l’affaire. On peut même se demander – je sais que je l’aurais demandé à l’auteur, eussé-je été l’éditeur – si cet artifice était bien pertinent et s’il n’aurait pas mieux convenu à une histoire plus substantielle, destinée à un public un peu plus avancé. [DS]
- Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 53-54.