À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
L’auteur profite de l’hospitalité d’un ami pour se promener dans son domaine. Alors qu’il rêvasse sur une île, un vieux chef indien survient et lui fait le récit de la légende de la montagne Tremblante. Il y a longtemps, une tribu reconnue pour sa férocité, les Nez-Plats, vivait sur le flanc d’une montagne. Un jour, des Visages pâles se présentèrent en amis et les Nez-Plats les reçurent en leur offrant un festin. Ils empoisonnèrent les visiteurs, à l’exception d’un enfant qui n’avait pas mangé. Ils le torturèrent et jetèrent son cadavre dans le lac au pied de la montagne. Le corps revint au campement et la montagne se mit à trembler à un point tel que la tribu entière fut précipitée dans le lac et périt. Des vapeurs blanches, qu’on prétend être l’esprit des morts, s’élèvent parfois des eaux du lac.
Commentaires
Firmin Picard s’invente, dans « La Montagne Tremblante », un prétexte pour raconter une page d’histoire des débuts de l’Amérique. Que le récit soit fait par un autochtone, voilà qui est assez surprenant et, pourrait-on croire, un peu subversif même. Pourtant, il n’en est rien car le conteur parle comme un Blanc et interprète les événements comme un Blanc. Il n’a aucune crédibilité car il n’incarne pas la culture amérindienne.
L’auteur l’utilise plutôt comme témoin à charge pour discréditer l’autochtone. Ainsi, le portrait qui se dégage de l’Amérindien est très négatif. Les Nez-Plats sont une tribu sanguinaire qui commet les pires actes de barbarie alors que les Visages pâles sont présentés comme des dieux. Picard véhicule dans son texte les pires clichés qui auront la vie tenace dans nos manuels d’histoire.
En outre, son récit contient des invraisemblances ou inexactitudes grossières. Le narrateur prétend que cet événement qui a donné naissance à la légende a eu lieu il y a neuf cents ans. Or, la venue des Européens en Amérique est beaucoup plus récente. Quant à la présence de l’enfant au milieu des guerriers blancs, elle est tout à fait invraisemblable et semble n’avoir pour utilité que d’attiser le sadisme des méchants Indiens.
« La Montagne Tremblante » est un conte qui donne bonne conscience, car il feint de donner la parole à un observateur neutre. En réalité, ce témoin se discrédite car sa partialité apparaît trop évidente.
La représentation avilissante de l’Amérindien était courante à l’époque et il ne sert à rien de s’en scandaliser. Ce qui est déplorable dans le texte de Picard, c’est plutôt le procédé utilisé : un narrateur pseudo-autochtone qui cautionne la version du bon Blanc.
Quand Joseph-Charles Taché s’inspire de la mythologie amérindienne dans ses contes, il me semble qu’il y a là une sorte de reconnaissance d’une culture originale et authentique. L’entreprise de Picard n’est pas guidée par le même respect. Elle mise sur la manifestation du surnaturel comme expression religieuse du fantastique, donnant à des phénomènes naturels (la montagne qui tremble : un éboulement ou une éruption volcanique ? la vapeur blanche sur le lac : la brume) une dimension sacrée et extraordinaire. Le texte se met au service d’un prosélytisme, pour ne pas dire un sectarisme, qui a quelque chose de malsain et d’inquiétant. [CJ]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 158-159.