Mort

Trois sœurs se partagent la tâche de veiller sur le fil de l’existence. L’une file les vies, la deuxième les enroule sur le fuseau et la troisième manie les ciseaux pour trancher le fil. Elle n’épargne rien ni personne, la Mort.

« Mort » est un microrécit qui brode sur la figure de la Mort. Il est précédé d’un texte explicatif aussi court qui propose une interprétation ambivalente du sujet, positive et négative. Le microrécit se veut une illustration du thème mais la dimension ambivalente est loin d’être systématiquement démontrée. Le narratif est plutôt univoque.

Dans le cas présent, Christiane Vadnais reprend l’image antique des trois Parques qui régissent la naissance, la vie et la mort. L’autrice « s’attarde » – si tant est qu’on peut s’attarder dans un texte d’environ vingt lignes – sur la troisième sœur qui exerce son rôle avec application et un zèle presque sadique. Difficile de renouveler un thème aussi usé en si peu de mots.

Toutefois, l’expérience de la lecture prend davantage de sens quand on l’inscrit dans le contexte suggéré par Clairvoyantes, sous-titré Un oracle littéraire, plutôt qu’en l’enfermant dans un seul texte. Un peu comme le tarot, Clairvoyantes propose des cartes réparties en trois groupes de quinze : les figures, les lieux et les objets. En associant une carte de chaque domaine, on peut obtenir 3 375 combinaisons possibles.

Individuellement, deux microrécits seulement relèvent de la science-fiction (« Glace ») ou du fantastique (« Mort »). Quelques autres textes brefs comportent des éléments d’étrangeté si bien que la combinaison Sorcière + Balai + Forêt ou Mouchoir ensanglanté + Salle à manger + Chasseresse, par exemple, par l’accumulation d’effets d’étrangeté, pourrait faire basculer le « triptyque » dans le fantastique.

Cet objet littéraire inclassable, dont la direction littéraire était assumée par Audrée Wilhelmy, réunit quinze autrices auxquelles s’ajoute la photographe Justine Latour qui a réalisé en studio les très belles photos illustrant les cartes. [CJ]