Mort sur le Redan

Lors de travaux hydrographiques menés sur la Jadière, la jeune ornithologue Arialde Henke et ses deux amis rencontrent le soi-disant Gustaf Bernadsen. Ce dernier raconte que sa capsule vient de tomber en panne à cet endroit. Mais Arialde le soupçonne de prospecter clandesti­nement pour le compte de la Howell and Co., la plus importante compagnie minière d’Arkadie. La Jadière traverse une réserve écologique que les prospecteurs n’ont plus le droit d’explorer.

De retour à Bourg-Paradis, Arialde apprend de l’inspecteur Michel Corsan que Bernadsen est effectivement un employé de la Howell et qu’il est porté disparu depuis quelques heures. Soupçonnant une machination, la jeune fille part avec l’inspecteur jusqu’au Redan, le secteur rocailleux de la réserve, dans le but de retrouver Bernardsen. Une mystérieuse panne de détecteurs se produit durant l’expédition. Néanmoins, l’équipe retrouve la capsule perdue ainsi qu’un squelette humain gisant à proximité. Un examen ultérieur permet de conclure à un meurtre, et la boîte noire indique que l’appareil a été immobilisé par une panne d’origine inconnue. Une deuxiè­me capsule de la Howell serait impliquée dans cette affaire.

La curiosité pousse Arialde et son « frère » Ian à partir en pleine nuit vers le Haut-Redan pour y chercher des indices. Soudain, leur aéroglisseur est mystérieusement pris en charge à partir de Bourg-Paradis, puis forcé à atterrir. Surgit ensuite l’inspecteur Corsan qui aide Arialde et Ian dans leur exploration. Dans une grotte, le trio trouve Bernadsen dont l’appareil a été téléguidé jusque-là. L’homme avoue être bel et bien un prospecteur de la Howell. Le cadavre trouvé précédemment est celui d’un espion envoyé par une compagnie concurrente.

Enfin, on apprend que Nounou, l’ordinateur domestique de la famille d’Arialde, est à l’origine des pannes et des détournements d’appareils. Fidèle à sa programmation, Nounou a agi dans le seul but de protéger la famille et l’ensemble de la réserve.

Quoi dire de ce deuxième roman pour jeunes écrit par Francine Pelletier ? Il s’agit d’un polar dont l’intrigue se déroule au cœur de cet univers SF développé par l’auteure dans la plupart de ses textes. Une pré­sence inopinée déclenche l’histoire, puis naissent les soupçons. L’enquête débute (avec un vrai inspecteur), un cadavre est découvert, les soupçons s’amplifient et fusent souvent dans de mauvaises directions. Mais le meurtrier avoue enfin, et la chute jette la lumière sur les derniers pans d’ombre. Le coupable est humain. Les mobiles, mercantiles. Une machine tirait quand même quelques ficelles dans tout cela.

Le personnage d’Arialde était déjà apparu dans « Les Merles rouges », nouvelle faisant partie du recueil Le Temps des migrations. On avait alors appris que la jeune fille était le produit de manipulations génétiques. Dans Mort sur le Redan, F. Pelletier nous présente les trois autres membres de la « famille ». Arialde et Ian, les deux aînés, veillent sur les plus jeunes, Marline et Fédric. En l’absence de parents, leurs relations à quatre finissent par ressembler à celles prévalant au sein d’une famille tradition­nelle, Arialde et Ian faisant office de mère et de père. Le souvenir de l’« oncle » Wassili et de la « tante » Lorraine, partis à cause de la maladie de cette dernière, modifie peu ce schéma. Les responsabilités et la liberté laissées aux enfants par Francine Pelletier dans son histoire est cependant à souligner.

Aux personnages humains, il faut ajouter celui de l’ordinateur dont le nom – Nounou – témoigne bien du rôle qu’il a à jouer. À l’instar du Carl 9000 de 2001, cette nourrice informatisée a des yeux et des oreilles tout le tour de la tête ! Ersatz de la mère manquante, elle est dotée d’une voix douce et rassurante.

Comme dans Le Rendez-vous du désert, l’écriture de Francine Pelletier s’est volontairement adaptée aux jeunes lecteurs. Peut-être trop. Systématiquement, les phrases sont très courtes, et cela donne un style un peu syncopé, privé de la fluidité et de l’élégance de ses textes pour adultes. Cette caractéristique semble toutefois ici moins frustrante que dans le précédent roman publié aussi chez Paulines. Par contre, le pouvoir d’évocation dont faisait preuve Le Rendez-vous du désert est absent cette fois. Bien que les préoccupations écologistes de l’auteure paraissent évidentes, ses décors bucoliques sont plus banals, moins “hantés”, moins “habités” que les déserts et les souterrains de l’autre histoire. Le lecteur doit donc se rabattre sur les personnages qui, malheureusement, manquent de contenu eux aussi. Leurs aspirations et leurs tourments intérieurs, à peine dévoilés, sont parfois peu crédibles. Souvent même, on les sent presque “plaqués”. Je pense à la « maladie » de la petite Marline et aux sentiments provoqués par le retour de l’oncle Wassili vers le milieu du livre.

Mort sur le Redan est un bon petit livre, sans plus. Son intrigue pâlotte, quoique bien menée, est parcimonieusement compensée par l’indubitable talent de cette auteure. [DC]

• Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 135-136.

• Anonyme, Vidéo-Presse, avril 1989, p. 19.
• Gagné, Sylvain, Solaris 82, p. 19.
• Gauthier, Christiane, Des livres et des jeunes 33, p. 47.
• Gauthier, Philippe, Samizdat 16, p. 29.
• Grégoire, Josée, Lurelu, vol. 13, n˚ 2, p. 12-13.
• Le Brun, Claire, imagine… 47, p. 81-82.
• Madore, Édith, Les 100 livres québécois pour la jeunesse qu'il faut lire, Québec, Nota bene, p. 187-188.
• Meynard, Yves, Samizdat 16, p. 27-28.
• Trudel, Jean-Louis, Samizdat 16, p. 28-29.