À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Solaris
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
Solaris 119
Pagination
24-35
Lieu
Gallix
Année de parution
1996
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Caspar, un petit garçon à la langue morte, vit sur une Station avec sa sœur Flikka et ses parents. Régulièrement, des nefs venues du surespace s’y posent et leur équipage se répand dans la petite ville pour s’y divertir, se restaurer et se confesser. Flikka exerce d’ailleurs la profession de confesseur. Un jour, une navette inconnue arrive sur la piste sans que sa venue n’ait été annoncée. Il en sort un extra aux abois qui tue les agents de la Sécurité venus l’intercepter. Caspar comprend intuitivement que l’extra souffre moralement et il le conduit à sa sœur pour qu’elle le confesse et le soulage du poids de la culpabilité qui l’écrase.

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Commentaires

« Les Mots du tabac » a été publié dans un numéro de Solaris portant la mention « Spécial Religion ». La nouvelle s’inscrit à merveille dans cette thématique puisqu’elle aborde la notion de péché. C’est tout un défi que relève Yves Meynard, car y a-t-il un sujet plus ringard que le péché ? Depuis que les Québécois ont jeté par-dessus bord la religion catholique au cours des années soixante, l’idée de réfléchir sur le péché n’est guère enthousiasmante même si on peut encore apprécier les œuvres des romanciers catholiques comme François Mauriac, Julien Green ou Georges Bernanos – on s’éloigne ici de la science-fiction, je sais.

Et pourtant, Yves Meynard renouvelle la conception du péché en l’abordant sous l’angle de la culpabilité et de ses effets physiques sur la personne du pécheur. Pour ce faire, il développe une théorie séduisante sur le transfert des péchés qui vaut bien celle de la transmission du péché originel (gracieuseté d’Adam et Ève) léguée par l’Ancien Testament. L’explication est fournie par Flikka, formée pour la confession : « […] quand il mourra, son âme se dissoudra dans le surespace et ses péchés flotteront là, attendant d’être pris par une âme vivante, et peut-être alors, enfin, lavés à jamais… »

Ce sont donc les voyageurs qui traversent le surespace qui sont exposés à choper des péchés qu’ils n’ont pas commis et qui peuvent éventuellement les tuer en raison du poids de la culpabilité qui pèse sur leur conscience. En somme, les pécheurs, inconscients de leur état, somatisent les péchés des autres. C’est une idée très originale, à mon avis, dans un contexte de science-fiction.

Il ne faut pas s’étonner outre mesure qu’Yves Meynard ait pris un tel sujet à bras-le-corps. Son œuvre compte plusieurs exemples de nouvelles qui traitent de la religion, du mysticisme, de la spiritualité ou du sacré : « Les Hommes-écailles », « Convoyeur d’âmes », « Ariakin », « Navices » – qui entretient une grande parenté avec « Les Mots du tabac » – pour ne nommer que celles-là.

Et le tabac dans tout cela ? On peut dire que l’auteur en a fumé du bon ! La fumée de la cigarette permet à Caspar de formuler de façon encore bien laborieuse et embryonnaire, par onomatopées, les pensées qui s’agitent dans sa tête. Les « maux » du tabac, ici, ne sont pas délétères. Je soupçonne d’ailleurs Yves Meynard d’avoir délibérément choisi cet adjuvant pour faire un pied de nez à la rectitude politique tant le caractère religieux et la spiritualité qui émanent de certaines de ses nouvelles ne procèdent d’aucune intention de moralisme ou de prosélytisme.

Comme toujours, l’univers esquissé en arrière-plan est très riche et conserve une part de mystère. Ainsi, les extras sont-ils vraiment des extraterrestres ou ne sont-ce que des « humains changés si profondément que nous ne parvenons presque plus à les reconnaître » comme le croit Flikka ? Et puis, le rôle de la poupée laissée à Caspar par l’extra confessé est vraiment intrigant : « Il [Caspar] savait qu’un jour, elle pourrait parler, et que ce jour-là, les étrangers reviendraient. » Elle est peut-être destinée à servir d’intermédiaire, d’interprète entre le monde de la Station et celui des extras. Ou peut-être la réponse se trouve-t-elle dans une nouvelle ultérieure d’Yves Meynard. À moins que, plus simplement, je n’aie rien compris. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 142-143.