À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Un homme et son épouse visitent une maison. Alors qu’ils sont dans une grande pièce vide, une voix féminine surgit de nulle part. Le plâtre d’un mur commence à s’effriter. Un trou permet de voir, dans l’autre pièce, une vieille femme tout en noir, assise dans un lit. Elle les fixe en souriant. Près d’elle, un automate peint un mur dans le vide. Le mari se rappelle que le même phénomène d’effritement s’était produit dans une église… Il constate que la vieille est morte. Lorsqu’il se retourne, sa propre femme est nue. Il l’embrasse longuement et se réveille… Car ce n’était qu’un rêve. L’homme se tourne vers la fenêtre. Dans l’immeuble d’en face, une vieille femme en noir l’observe. Plus loin, un peintre travaille avec des gestes d’automate.
Autres parutions
Commentaires
Nouvelle singulière ? Sans doute. Deux personnages se retrouvent dans une immense pièce blanche d’une « effroyable nudité ». Ce vide inquiète et intrigue. Le couple semble avoir été projeté dans une sorte de non-lieu étrange, en attente de « l’événement ». Tout ce qui permettait une prise sur la réalité s’est effacé. Hamelin procède avec méthode. Chaque élément insolite est tour à tour introduit dans le récit : une voix sans visage, une main invisible qui s’attaque au mur, une vieille femme d’un autre temps, un zombie… Le sentiment d’irréalité va croissant. Lorsque la femme du narrateur se retrouve nue, « sa hanche [prenant] dans la pénombre le contour presque irréel d’une statue », nous comprenons qu’ils sont « atteints » par le décor. Leur baiser semble d’ailleurs interminable. Comme s’ils étaient figés dans cette pose, en dehors du temps et du monde.
C’est sur cette image que l’homme se réveille. Mais Hamelin n’a pas dit son dernier mot. Ce qu’observe le narrateur du côté de la fenêtre montre que le véritable cauchemar ne fait que commencer. Et il n’y aura pas d’issue cette fois. Pas de réveil. Le filet du fantastique vient de tomber. Et l’effet est réussi même si le procédé, lui, n’est pas nouveau.
« Le Mur » de Jean Hamelin est étonnant. L’écriture est parfaitement maîtrisée. Et la nouvelle n’est pas dénuée d’intérêt sur le plan symbolique… Au début des années 1960, la société québécoise est en pleine mutation. L’ancien système de valeurs s’effrite (la « plaie » dans l’église paraît révélatrice), les certitudes s’estompent. Mais les personnages du passé, ces morts-vivants, s’accrochent à la réalité du présent. Une réalité « blanche » qui fuit de partout. Quel sera donc le monde à venir ? [RP]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 101-102.