À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
La jeune Nadjal est une paria. Née d’une mère mercandine décédée en bas âge et d’un père inconnu, probablement un Komel, elle a grandi dans l’hostilité ouverte de sa tribu de nomades. Il faut dire que son apparence, avec ses boucles brunes et ses yeux marron, contraste violemment avec celle des Mercandins, dont la peau très pâle, les cheveux platine et les yeux émeraude sont des marques distinctives.
Sitôt sa majorité atteinte, le premier prétexte, aussi futile soit-il (elle passe la nuit dans les bois), est trouvé afin de l’exclure du groupe familial – de l’exiler, sous l’étiquette de sorcellerie et de connivence avec des esprits malins. Nadjal part en compagnie d’Améton, son seul ami (qui la voudrait bien pour épouse), à la recherche de ses origines komelles, où la révélation de son statut de princesse perdue s’avère davantage un danger pour sa vie qu’un conte de fées. L’usurpateur et cousin de son père, qui a eu beau jeu, pendant douze ans, de démoniser aux yeux du peuple les parents de Nadjal, n’a certainement pas l’intention de laisser sa place en souriant…
Commentaires
On m’avait déjà fortement conseillé la lecture de Nadjal ; aussi mes attentes étaient conséquemment très élevées. Je dois admettre que le roman ne m’a pas déçu outre mesure – loin de là. C’est franchement une littérature adolescente de haut niveau, qui donne toutes ses lettres de noblesse à la collection dirigée par Daniel Sernine. L’écriture, très féminine, est ici envoûtante, tout comme l’est la peinture de l’univers. On se laisse bercer au gré des phrases, lesquelles coulent rapidement et naturellement, découvrant petit à petit les deux cultures fort différentes des Mercandins, lesquels sont matriarcaux, tribaux et nomades, et des Komels, ceux-ci étant sédentaires (pour ne pas dire urbains), monarchistes et patriarcaux.
Nadjal elle-même est un personnage très intéressant, dont la témérité de la jeunesse a quelque chose de charmant. C’est là un personnage très fort, très féministe, qui se démarque par sa capacité non seulement de bousculer les conventions sociales des deux mondes très différents auxquelles elle est confrontée, mais également par sa grande capacité d’adaptation aux situations conflictuelles qui n’ont de cesse de l’assaillir, et qui font du roman davantage qu’un simple roman de l’apprentissage ou du passage à l’âge adulte.
Il faut dire que l’ostracisme dont est victime Nadjal, autant chez les Mercandins qu’à la cour du roi komel, a quelque chose de très significatif, puisqu’il prend la forme de l’intolérance. Intolérance raciale, d’abord, puisque les nomades la rejettent par sa seule apparence ; intolérance religieuse, ensuite, puisque les Komels l’associent, à tort, au culte d’une divinité maléfique par sa seule naissance. Ce racisme dont est victime Nadjal fait du roman une critique vigoureuse de ce cancer sociétal, et qui ne manque pas de faire réfléchir le lecteur et ce, sans pour autant sombrer dans la dénonciation tous azimuts et grossière d’un narrateur omniscient, par exemple. Non, la narration employée par Julie Martel est plus nuancée, plus subtile, tout en réserve, et laisse le soin au lecteur d’effectuer, par lui-même, le rejet du racisme, par sa seule identification au protagoniste – ce qui en fait une réussite. [MRG]
- Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 125-126.
Références
- Anctil, Mélissa, imagine… 77, p. 97-98.
- Ledoux, Blanche, Lurelu, vol. 18, n˚ 2, p. 24-25.
- Morin, Hugues, Temps Tôt 38, p. 55.