Naître virtuel

Jean Duchêne discute avec son fils virtuel à propos de l’habitude malsaine de ce dernier de refuser la réalité, même si elle est laide et imparfaite. Malgré quelques réticences, le père accepte d’essayer la machine de réalité virtuelle. Il y voit une grande tour, qu’il entreprend d’escalader, tout en entretenant une réflexion sur la virtualité, pour arriver à la conclusion qu’il a toujours été un être virtuel. Au sommet, il se penche par-dessus le garde-fou, puis tombe. Jean interrompt le programme par erreur et se retrouve seul dans son bureau, incertain de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas.

« Naître virtuel » est un texte qui manque d’unité et qui s’éparpille dans plusieurs directions : d’abord avec un dialogue qui manque cruellement de réalisme (ou peut-être est-ce voulu, puisque l’interlocuteur de Jean n’existe pas ?), puis une expérience de réalité virtuelle qui ne mène à rien, sinon une réflexion sur le sujet. Or, cette réflexion, qui se veut le point central de la nouvelle, est d’une simplicité déconcertante et arrive à la conclusion que finalement, tout est virtuel. D’accord, mais encore ? De plus, la mise en récit d’une machine de réalité virtuelle n’apporte strictement rien au texte (à part une image symbolique par l’intermédiaire de la tour, qui pourrait représenter le temps ; mais encore ?), puisque la réflexion se fait en parallèle à ce que Jean ressent dans l’autre réalité, plutôt qu’être dirigée par son expérience. Le lien entre ce qui se passe dans la nouvelle et ce qui est rapporté dans la réflexion du personnage principal est un peu trop ténu. Cela dit, je me dois d’applaudir la nouvelle pour au moins un détail : le fait que le fils de Jean n’existe pas réellement est mentionné dès le début, sans qu’on essaie d’en faire une surprise, un retournement à deux sous. [GV]

• Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 11.