À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Martine aime Didier. Quand elle lui annonce qu’elle est enceinte, son amant part vers la ville chercher de l’argent. Martine accouche d’une fille et Didier ne revient toujours pas. Elle doit se résigner à confier son enfant aux religieuses. Celles-ci l’invitent à se joindre à une procession qui les mène près d’une rivière. Là, Martine est ligotée par les chapelets des religieuses et elle va rejoindre dans l’eau le corps de son amant emporté par le courant. Les dames en noir se jettent à leur tour dans l’onde et suivent le couple en un long cortège.
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Commentaires
Il y a deux sortes de contes chez Roch Carrier : ceux qui apportent des réponses en livrant un message par l’entremise d’une sentence morale et ceux qui posent des questions. Je préfère les seconds. « La Noce » appartient à cette catégorie de textes qui sèment le doute sur leur intention et qui cultivent l’ambiguïté.
De quelles valeurs l’auteur fait-il la promotion ici ? Défend-il l’institution du mariage ? Prône-t-il les bienfaits de la vie familiale ? Le sort de Martine doit-il être interprété comme une rédemption ou un châtiment ? Est-ce une dénonciation des préceptes religieux qui importent davantage aux yeux d’une société puritaine que l’expression de l’amour ? C’est ce que semble suggérer l’image très forte de Martine ligotée par les chapelets des religieuses, tout comme les membres de Didier d’ailleurs.
On dirait que la cérémonie vise a posteriori à unir par les liens du mariage les deux amants afin de légitimer la naissance de l’enfant et de laver la faute des parents par l’eau purificatrice. Même si le récit se veut intemporel, il reste que le climat correspond à une certaine période de l’histoire de la société québécoise antérieure à la date de publication. À cet égard, le texte est daté et perd quelque peu de sa pertinence aujourd’hui.
Sans doute l’interprétation de « La Noce » varie-t-elle selon le système de valeurs propre à chaque lecteur. Cela est attribuable en bonne partie à l’ambivalence du conte qui oscille entre légèreté et gravité, entre insouciance et responsabilité, entre bonheur et tristesse, entre espoir et désillusion. Comme la vie, quoi !
En outre, la finale est étonnante car jusque-là, la narration était centrée sur le personnage de Martine. Les dernières lignes s’attardent à son enfant, devenue une jeune fille, qui ne réussit pas à sourire à la vie. « Ses lèvres étaient mortes. » Quelle drôle d’expression !
Petite tragédie pour adultes à l’instar des contes du recueil Jolis Deuils, « La Noce » est un texte d’une très grande richesse symbolique. [CJ]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 38-39.