À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Deux hommes déambulent dans les rues de Québec en pleine nuit. L’un est journaliste au Canard, l’autre travaille à un très long poème qu’il espère publier dans le même journal. Les deux amis boivent et philosophent à propos de tout et de rien. Un fantôme tenant à la main le dernier numéro du Canard leur apparaît à deux reprises. Il les fixe de ses yeux de flamme et leur lance simplement cet avertissement : « Prenez garde ! Prenez garde ! Prenez garde à vous ! » Puis il disparaît. Les hommes sont ébranlés. Le poète surtout semble ne plus avoir toute sa raison. Mais tous deux poursuivent leur travail d’écriture.
Commentaires
« La Nuit les chats sont gris » a été publié en deux volets dans le journal hebdomadaire Le Canard. Il est identifié comme « conte fantastique ». Il a pourtant très peu à voir avec la facture du conte, et l’absurde beaucoup plus que le fantastique donne le ton au récit. Le texte est découpé en seize fragments très courts (de quinze à vingt lignes) que l’auteur prend grand plaisir à sous-titrer. Ces petits épisodes ne sont soutenus par aucune intrigue. Hormis l’apparition saugrenue du fantôme (le seul élément fantastique), il ne se passe rien dans cette histoire. Polycarpe Barbanchu semble plutôt suivre, d’un fragment à l’autre, l’inspiration du moment. Les personnages échangent des paroles d’une banalité déconcertante, et leurs actions ne portent nullement à conséquence.
À maints endroits, Barbanchu s’encombre de détails inutiles. Il nomme ainsi toutes les rues de Québec par lesquelles passent les deux compères, puis énumère les victuailles achetées chez un épicier (l’épisode s’intitule « Mouvements financiers »). Il aime aussi intervenir en aparté, histoire de montrer qu’il ne se prend guère au sérieux. « Je me dirigeais vers le magasin de cet Anglais, lorsqu’une chose extraordinaire, inouïe, abracadabrante (mettez tous les adjectifs de Mad. de Sévigné) m’apparût. » Plusieurs blagues tombent toutefois à plat. Comme la finale d’ailleurs. Bref, l’humour absurde de Barbanchu arrive à peine à faire sourire. [RP]
- Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 29.