À propos de cette édition

Éditeur
Leméac
Genre
Science-fiction
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
503
Lieu
Montréal
Année de parution
1995
ISBN
9782760931657
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Adakhan est maintenant rendu dans l’équipe de Lokhfer (LC4-FR5) mais celui-ci le fait languir avant de le rencontrer. Les adjoints du Patron le prennent en charge et lui font visiter quelques laboratoires et locaux de travail qui laissent Adakhan sur son appétit, lui qui cherche à percer les secrets des expériences et des découvertes scientifiques de l’équipe de Lokhfer. Il espère ainsi pouvoir utiliser ces avancées pour mener à bien le projet de l’Oiseau de Feu.

Au fil des mois, il découvre la nature des expériences menées par Lokhfer. Certes, la transmission à distance des objets et, éventuellement, d’un organisme vivant pourrait s’avérer un atout important mais les atrocités commises au nom de la science dégoûtent Adakhan. En outre, Lokhfer tente de le convaincre de se joindre définitivement à son équipe en l’endoctrinant et en ridiculisant la philosophie naïve du Vieux (JH3-VH9), le Patron de l’équipe qui l’a récupéré de Manokhsor. Adakhan s’ennuie de ses coéquipiers et surtout de Selvah.

Pour oublier sa frustration et meubler sa solitude, il s’étourdit dans les bras de Guntar, une Récupérée de Manokhsor comme lui, que Lokhfer contrôle. Adakhan est de plus en plus dépressif et se rend compte que le Vieux, en acceptant qu’il fasse un stage dans l’équipe rivale, a voulu le mettre à l’épreuve. Ayant choisi son camp, il affronte Lokhfer qu’il veut renverser car il contrôle la majorité des membres du Conseil de la Centrale. Incapable de susciter la révolte des adjoints de Lokhfer, Adakhan le tue mais un clone prend immédiatement sa place et il doit réintégrer à toute vitesse les rangs de l’équipe du Vieux tout en ramenant une ancienne amante, Laïtha, connue à l’époque de Manokhsor et soumise à des sévices sexuels abjects par Lokhfer.

Pendant ce temps, la situation se détériore à la surface de la Terre. Les édifices s’écroulent dans la ville, la terre tremble et les Périphériens meurent par centaines. Adakhan, longtemps déchiré entre son désir de libérer les Périphériens de l’emprise de la Centrale et son rêve de liberté, se rend à l’évidence que Manokhsor est perdue et peut-être même la Centrale. L’affaissement nucléonique fait des ravages et même MO, qui a annoncé le Cataclysme, donne des signes de ratés. L’équipe de l’Oiseau de Feu, commandée par Adakhan qui a maintenant épousé Selvah, la petite-fille du Vieux, transgressant ainsi une loi de la Centrale, poursuit fébrilement son entraînement afin de fuir la planète à bord d’une fusée spatiale en direction d’Ashmev, terre inconnue où l’équipage de neuf personnes rêve de fonder une nouvelle civilisation sur des valeurs comme l’amour, la liberté et la solidarité.

L’équipe du Vieux met aussi la main aux derniers préparatifs de l’autre grand projet, le projet Verso, qui vise à évacuer quelques centaines de Centraliens, dont le conditionnement auquel ils consentaient n’est pas irrémédiable, vers les antipodes de la planète. Reportée de jour en jour en raison d’avaries subies par les installations à la suite des tremblements de terre de plus en plus fréquents et importants, l’heure du départ arrive enfin au moment même où la planète implose.

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Commentaires

L’Oiseau de feu est une grande œuvre de science-fiction, l’une des plus monumentales de la littérature québécoise. Dans ce quatrième tome – l’avant-dernier – intitulé Le Sauve-qui-peut, le personnage principal, Adakhan, est attiré par le pouvoir et la connaissance que détient Lokhfer. Ambitieux et impulsif, il trouve trop molles les méthodes du Vieux et déplore son ingénuité et ses atermoiements. Il admire chez Lokhfer sa détermination, son assurance et sa certitude d’avoir raison. Au cours de son séjour dans son équipe, il se rend toutefois compte que la philosophie du Vieux élève l’âme et tend vers une évolution de la conscience humaine. Lui qui espérait une révolution sociale des Périphériens dont il serait l’instigateur, il se voit proposer une révolution intérieure par le Vieux.

La philosophie de LC4-FR5, quant à elle, repose sur la force, sur l’asservissement au mépris de la condition humaine et sur le pouvoir absolu. Au fond, L’Oiseau de feu pourrait se résumer à cette question : comment faire en sorte que l’Homme évolue, qu’il soit meilleur, qu’il développe son esprit pour se fondre dans l’univers ? L’œuvre de Jacques Brossard formule un grand projet utopique pour l’Homme, mais une utopie qui transcende le système social idéal recherché pour rejoindre l’esprit de la matière. Elle prône un humanisme inspiré d’auteurs tels que Thomas Mann, Robert Musil et Stefan Zweig.

Comme les autres tomes de la série, celui-ci comporte plusieurs passages où il est question du « Dieu » du Vieux, qui est différent de celui de Lenardth ou de celui de Mentra, les deux sages qui secondent le Patron. Question fondamentale car elle renvoie à la place de l’Homme dans l’univers, à ses origines, au libre arbitre dont il a le luxe en tant que créature intelligente. Les réflexions métaphysiques alimentées par le roman deviennent d’autant plus vertigineuses que Brossard multiplie les mises en abyme. Il y a d’abord les Périphériens, habitants de Manokhsor, cité contrôlée par les Centraliens. Ceux-ci sont-ils originaires de la même planète que les misérables humains qui vivent en surface ? Les Centraliens sont eux-mêmes assujettis à certaines lois édictées par MO, un super-ordinateur, sorte de dieu de l’intelligence artificielle, et doivent subir périodiquement un Recul qui efface les découvertes scientifiques réalisées. Mais qui a programmé MO et a construit la Centrale ? Quelle est l’origine des Programmeurs ? Extraterrestre ? Sont-ils venus d’Ashmev, planète qu’a repérée le Vieux avec son télescope et dont provient peut-être son Ancêtre ? Ces questions seront-elles résolues dans le dernier tome ? Cela reste à voir.

Quoi qu’il en soit, Le Sauve-qui-peut clarifie les enjeux. Il apparaît nettement que la Centrale, à l’exception de la situation qui prévaut dans l’équipe du Vieux considérée comme « marginale » et composée de doux rêveurs, est une société dystopique qui fait aussi peu de cas de sa population que des habitants de Manokhsor. La Centrale est déchirée par des luttes de pouvoir et est sur la voie de la déliquescence en raison de l’abêtissement systématique des esprits. La seule véritable chance d’édifier une société utopique en recommençant à neuf sur de nouvelles bases est de fuir vers Ashmev.

Jacques Brossard semble vouloir revisiter le mythe d’Adam et Ève (Adakhan et Selvah) en cassant le moule de la pensée binaire – qui est aussi le mode opératoire de l’ordinateur – masculin/féminin en mettant à bord de l’Oiseau de Feu six personnes, deux hommes et quatre femmes. Il oppose aussi le développement du potentiel psychique de l’humain à la religion de la science incarnée par Lokhfer (il est physicien). Non que Brossard soit contre la science, mais celle-ci doit aider à la connaissance de soi plutôt que de servir d’instrument au pouvoir absolu. Le sens de la quête de l’Homme réside dans son désir de connaissance que lui permettra d’atteindre, après moult reculs et avancées, une forme d’état complètement détaché du matérialisme, en communion avec l’esprit de la matière. Le « cœur » de l’Oiseau de Feu, qui semble condenser l’énergie positive des membres de l’équipage et leurs valeurs morales, illustre cette aspiration.

Les discussions philosophiques qui ont cours dans l’équipe du Vieux, les réflexions de celui-ci dans ses carnets, tout cela est un peu répétitif il est vrai, mais l’œuvre de Brossard utilise la redondance pour exprimer justement la répétition des erreurs de l’Homme dans son cheminement intérieur, ses tâtonnements et ses régressions. Là où un adjectif, un verbe serait suffisant pour décrire l’état d’esprit d’un personnage ou une situation, Brossard utilise trois synonymes pour nuancer sa pensée.

Œuvre philosophique nourrie par la fréquentation des philosophes allemands – la variété des citations en exergue donne une idée de l’érudition de l’écrivain –, L’Oiseau de feu n’en est pas moins un roman de science-fiction qui rappelle un peu parfois l’œuvre d’Asimov – je pense ici au personnage de Lokhfer – et dont les assises et inventions scientifiques sont encore pertinentes. Les trouvailles langagières, particulièrement les néologismes, ne sont pas à dédaigner car elles servent à injecter un humour qui allège la lourdeur de certaines pages et procure une bouffée d’oxygène salutaire après la description des expériences sordides tentées par Lokhfer qui ne sont pas sans rappeler les expérimentations de Josef Mengele, médecin nazi.

Surcharge, enflure verbale ou cérébralité excessive, rien ne me dissuadera de lire le dernier tome de L’Oiseau de feu. Il y a des œuvres comme celle-là qui sont tout simplement incontournables même si elles ne sont pas sans défauts. Comme l’être humain, justement, qui est une œuvre perfectible. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1995, Alire, p. 42-44.

Références

  • Beaulieu, René, Solaris 126, p. 31-33.
  • Ménard, Fabien, Solaris 114, p. 46-47.
  • Ransom, Amy J., Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec IX, p. 605-607.
  • Voisine, Guillaume, Brins d'éternité 47, p. 109-113.