À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
En ce vingt et unième siècle de toutes les peurs, il se trame quelque chose d’inquiétant autour du lac Tanganyika dans le sud de l’Afrique. Du matériel acheminé par des cargos chinois aboutit dans une région défendue par des tribus dissidentes pratiquant une guérilla acharnée. Des messages codés circulent entre la Chine et cette même région. Il y est beaucoup question d’un général parti en Afrique depuis dix ans et d’un savant renégat du nom de Sigurd Venck, spécialiste des missiles à ogives nucléaires.
Le service du renseignement d’Unipax réunit des indices concordants et lance l’opération logiquement dénommée Tanga. Une première équipe se glisse à bord d’un train lourdement gardé afin de s’assurer de la nature de la cargaison et s’en tire de justesse, mais non sans perdre deux personnes dans l’aventure. Le directeur général, Servax, pressent la gravité du complot et il ordonne à de nouvelles équipes d’entreprendre des reconnaissances aériennes de la région sous le couvert de la nuit.
Une fois confirmé le transport de missiles chinois en pièces détachées vers des rampes de lancement en pleine jungle, il reviendra à Servax et à ses hommes de s’assurer que la première frappe planifiée depuis dix ans par les Chinois ne puisse pas avoir lieu… Au grand dam du général chinois responsable du projet, la dernière phase de l’opération Tanga réussit à merveille. Les obus spéciaux tirés par les aérosubs d’Unipax neutralisent la machinerie des missiles. À leur insu, les pays occidentaux ont échappé à un sort terrible.
Commentaires
Durant la Seconde Guerre mondiale, Maurice Gagnon a servi dans la Marine canadienne et a connu la bataille de l’Atlantique contre les sous-marins allemands, un sujet dont il a tiré un roman, Les Chasseurs d’ombres (1959). Il n’est donc pas surprenant que ses romans pour jeunes fassent preuve d’un réalisme peu commun lorsqu’ils traitent des manœuvres sous-marines d’Unipax.
Ce roman ne fait pas exception et Gagnon étend ce souci de la vraisemblance à la description complète d’une opération d’ordre militaire, des premières observations au nettoyage final. Cependant, le soin minutieux apporté à la mise en scène de chaque étape fait peu de cas des participants et du suspense. Pour un roman aussi bref, il y a même pléthore de figurants : quatre personnages principaux du côté de la base secrète chinoise, et une ribambelle d’agents du côté d’Unipax, du grand patron Servax jusqu’au chef du réseau régional, Tom M’Toya.
De plus, l’action est littéralement hachée menu, l’intrigue se voyant sous-divisée en scènes relativement courtes, variant aussi bien les personnages que les lieux, de la jungle africaine aux bases sous-marines d’Unipax. Si Gagnon désire souligner ainsi l’importance de chaque contribution individuelle, à l’opposé du rôle dominant joué par des héros uniques tels James Bond et Bob Morane, cela se défend, mais l’éparpillement dramatique qui en résulte dessert l’histoire que Gagnon raconte. Enfin, comme dans la plupart des opérations d’Unipax, la victoire est complète et elle est remportée pratiquement sans effusion de sang, ce qui lui confère rétrospectivement une facilité qui en atténue la valeur.
Bref, l’auteur s’est laissé dépasser par l’opération Tanga. Les personnages n’ont pas le temps d’acquérir un minimum d’épaisseur avant de périr ou de passer le relais. L’escamotage de l’élément humain fait de ce roman une des livraisons les moins prenantes de la série. Quarante ans plus tard, il est d’ailleurs frappant que le génocide massif planifié par les Chinois ne suscite presque aucun commentaire, comme s’il était dans l’ordre des choses.
L’écriture de Gagnon, homme de lettres chevronné, demeure toujours aussi efficace et sait faire passer l’action par les dialogues, un art qui n’est pas donné à tout le monde. Si les aspects science-fictifs restent superficiels, n’éloignant guère le lecteur de son monde d’origine, Gagnon mise plutôt sur le réalisme en tenant un discours technique cohérent et en se donnant la peine d’évoquer un cadre tropical qui, compte tenu des contraintes de longueur, n’est pas l’Afrique de pacotille qu’on aurait pu craindre. Ce qui en résulte, c’est une narration d’une grande sécheresse, dominée par l’analyse et par les comptes rendus d’actions hasardeuses, mais rarement passionnante. [JLT]
- Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 86-88.
Références
- Lortie, Alain, Requiem 17, p. 6-7.