À propos de cette édition
Résumé/Sommaire
Monsieur Black, président d’une grande entreprise new-yorkaise, considère qu’il ne suffit pas qu’un employé vienne dix fois par jour nettoyer la plaque de cuivre qui porte son nom, et embauche plutôt quelqu’un dont ce sera le seul mandat. Après un an, l’homme a tant usé sa main au frottage qu’il ne lui reste qu’un moignon ; on lui décerne une médaille. Le processus se répète chaque année, avec un membre différent. À la toute fin, Monsieur Black offre tous les honneurs possibles à l’employé maintenant invalide, tout en sachant qu’il le congédiera : sans membres, il ne peut plus faire briller son nom.
Commentaires
Avec « L’Ouvrier modèle », on a un autre exemple des brefs textes qui constituent le recueil Jolis Deuils, paru en 1964 aux Éditions du jour. Il s’agit, comme plusieurs d’entre eux, d’une allégorie sous forme de fable, mais ce n’est malheureusement pas celle dans laquelle le deuxième degré s’inscrit le plus subtilement. L’histoire du patron qui tire tout de son employé jusqu’à ce qu’il n’en reste rien et qui le jette par la suite, on l’a entendue racontée de mille façons, et « L’Ouvrier modèle » de Carrier ne renouvelle pas le genre.
Alors que ses nouvelles frôlent souvent le surréalisme poétique de Raymond Roussel, le réalisme magique de Gabriel García Márquez et les univers parallèles borgésiens, on se retrouve, avec « L’Ouvrier modèle », devant un texte plutôt terre-à-terre et moralisateur. On aurait aimé que l’auteur opte pour un ton plus parodique, caricatural, qui aurait eu le mérite de pousser la satire du côté de l’humour, ou encore pour une prose au sein de laquelle poésie et philosophie s’allieraient de manière à inviter le lecteur à poursuivre la réflexion de son côté. Néanmoins, la fable reste représentative du début d’un climat de contestation de l’idéologie capitaliste qui règne sur le Québec des années 1960. [CJa]